Les aides publiques aux entreprises : un commentaire sur le rapport de l’IRES

image

En mai dernier, l’IRES (Institut de Recherches Economiques et Sociales, un organisme d’études économiques syndical) a sorti un rapport sur les aides publiques aux entreprises via un groupe de travail de l’Université de Lille. Le rapport se lit ici. J’ai appris l’existence du rapport par Twitter et j’ai trouvé que le sujet abordé, en plus d’être fondamental, était largement sous-médiatisé. En effet, les aides publiques aux entreprises sont nombreuses en France, coûtent énormément d’argent public, et on en parle paradoxalement peu (par rapport au “pognon de dingue” que constituerait la redistribution). Le rapport est fort long (environ 200 pages) et relativement technique, aussi j’essaie ici d’en faire une synthèse critique :

1. De quoi est-il question ?

Des aides publiques aux entreprises. Cette notion apparemment simple est en fait relativement complexe, ce que le rapport explique très bien : en première approche, on pense aux aides directes, lorsque l’Etat verse une certaine somme (subvention) à une entreprise dans un but particulier. On peut déjà noter à ce stade que dans le cadre européen, les aides directes aux entreprises qui remplissent certains critères sont interdites, car elle reviennent à fausser la concurrence. En pratique, de nombreuses exceptions sont admises, notamment lorsque l’aide est inférieure à 200 000€.

D’emblée, le rapport indique que la notion européenne assez stricte d’aide d’Etat est loin de couvrir toutes les aides publiques aux entreprises en France : en effet, si les aides directes sont en augmentation (elles atteindraient 20 milliards en 2019), ce n’est rien en comparaison des crédits d’impôts, le principal mécanisme utilisé pour soutenir l’économie en France.

image

Ainsi le rapport de l’IRES considère qu’une dérogation fiscale au droit commun, c’est-à-dire une réduction d’impôt, est bien une “aide publique aux entreprises”, puisqu’elle se traduit par une perte de recette pour la puissance publique voire un remboursement de trop-perçu (crédit d’impôt).

2. Qu’est-ce qui n’est pas compté ?

Le rapport exclu deux grands éléments de son comptage :

  • Les dépenses publiques envers les entreprises qui font l’objet d’une contrepartie. Ainsi les commandes publiques (une mairie qui achète une ligne de tram à une entreprise privée), les prises de participation (l’Etat qui nationalise EDF), les prêts et avances de trésorerie (pendant le covid, par exemple) ne peuvent pas être sérieusement considérés comme des aides publiques aux entreprises puisqu’il y a une contrepartie, l’Etat dépensant tout en s’enrichissant : soit par l’acquisition d’une infrastructure ou d’actifs financiers (qu’on peut revendre ensuite), soit par des intérêts. Une aide publique doit être sans contrepartie directe.
  • Les aides qui bénéficient en premier ressort aux ménages ou aux associations sans but lucratif, puisque ce n’est pas l’objet du rapport. On verra que ce point est loin d’être simple.

3. Combien ?

Question simple, réponse très compliquée. C’est tout l’enjeu du rapport de sa médiatisation. Dans le cadre des contestations autour de la réforme des retraites, justifiée selon le gouvernement par une grosse dizaine de milliards de déficit, de nombreuses personnalités de gauche ont souligné que le montant des aides publiques aux entreprises était beaucoup, beaucoup plus élevé (entendez la réforme n’est pas nécessaire, prenons l’argent là où il est).

Avant de discuter montant, il est cocasse de remarquer qu’il n’existe pas de chiffrage homogène et exhaustif du montant des aides publiques aux entreprises. On ne peut donc pas se contenter d’aller sur le site de l’INSEE (ce serait pratique et le rapport serait inutile). Cela tient, selon les auteurs, à la nature de ces aides : disséminées dans de nombreux dispositifs différents ayant des effets ou des objectifs différents, les recenser toutes s’apparente à un travail “d’explorateur”. Il suffit de jeter un œil à la liste à la Prévert des impôts en France (plusieurs centaines)  pour imaginer la quantité de niches fiscales possibles : 465 niches dans le projet de loi finances de 2023!

Untitled

Surtout, le résultat dépend entièrement de la définition qu’on a choisi du terme “aides publiques aux entreprises”. Comme on l’a dit, il s’agit d’une aide directe (subvention) ou indirecte (cas le plus courant, crédit d’impôt) bénéficiant sans contrepartie à une entreprise. Mais la définition d’une dépenses fiscale implique une dérogation au droit commun : il y a dépense parce que la puissance publique perd des recettes par rapport à ce qu’elle aurait perçu sans cette mesure, c’est-à-dire par rapport au droit commun. Or, justement, il y a tellement de niches fiscales et de régimes dérogatoires en France qu’il est parfois difficile de parler d’un droit commun en matière de fiscalité, c’est-à-dire de définir une norme fiscale à laquelle le crédit d’impôt dérogerait. François Ecalle, qui anime le site de référence en finances publiques fipeco, expliquait ainsi que “la définition de la norme fiscale est inexistanteen France, prenant en exemple le régime de TVA des cantines d’entreprise ou le quotient familial :

image

Autre exemple mentionné dans le rapport de l’IRES : doit-on considérer comme une aide publique aux entreprises une réduction d’impôt une année N qui devient l’année suivante une mesure de droit commun ? Le cas du CICE (Crédit d’Impôt Compétitivité Emploi) est un exemple parfait : pensé au départ (rapport Gallois 2012) comme un crédit d’impôt pour restaurer les marges des entreprises au sortir de la crise de 2008, il a été transformé par Macron en baisses durables de cotisations (sur les cotisations maladie et chômage, notamment) pour les entreprises qui emploient des salariés en dessous de 2,5 SMIC : dès lors qu’il s’agit du régime de droit commun, le CICE est-il une aide publique aux entreprises ?

Cette complexité a conduit les fiscalistes à distinguer les dépenses fiscales classées (elles sont comptabilisées dans les projets de loi finances) et les dépenses fiscales déclassées (elles sont désormais considérées comme relevant du droit commun).

4. Combien (bis) ?

Ces préalables étant posés, le rapport de l’IRES propose une recension des différents chiffrages effectués jusque-là, qui vont de 15 milliards par an dans les approches les plus strictes, ne comptant que les aides directes de l’Etat, à plus de 230  dans l’approche la plus large, incluant les dépenses classées et déclassées, les prises de participation, les avances de trésorerie, soit un rapport de 1 à 15 (!) selon le périmètre et la définition “d’aide publique” retenu.

image

Si on s’en tient à l’approche sans contrepartie, on trouve un chiffrage de 70 milliards en 2005 :

image

Passons maintenant aux chiffrages des auteurs du rapport proprement dit :

image

image

Si l’on exclut les dépenses déclassées (considérées comme faisant désormais partie du droit commun mais il s’agit d’une convention… qu’un gouvernement pourrait changer), on aboutit à la somme déjà gigantesque de 60 milliards par an, soit à peu près le budget de l’Education nationale, pour bien fixer les ordres de grandeur. Dont 27 milliards de crédits d’impôt.

Enfin, si l’on cumule tous les éléments, soit les dépenses fiscales qu’on vient de mentionner, les dépenses budgétaires (subventions directes) et les dépenses socio-fiscales (soit les réductions de cotisations dont le CICE), on atteint la somme pharaonique de 156 milliards, et même plus de 200 milliards si l’on inclut les dépenses déclassées.

image

Pour les ordres de grandeur, cela représente plus de trois fois le budget de l’Education nationale, 6% du PIB ou encore 31% du budget de l’Etat.  Dans ces conditions, les douze milliards qui manquent pour les retraites ne semblent pas grand chose, non ?

Pas si vite.

5. Interpréter le rapport : deux critiques méthodologiques

Cette avalanche de chiffres ne doit pas masquer qu’il y a plusieurs interprétations du rapport. Certaines dépendent tout simplement de grilles de lecture politiques (je dirai la mienne). D’autres sont plus méthodologiques.

La première lecture méthodologique qu’il faut impérativement garder en tête, est qu’il s’agit dans tous les cas d’un coût brut (cf. p 28 du rapport) c’est-à-dire que le rapport ne s’intéresse pas en détail aux effets de ces différentes dépenses sur l’économie, c’est-à-dire à leur efficacité. Il n’y a donc pas ce que les spécialistes appellent un “bouclage macroéconomique” c’est-à-dire une étude estimant l’impact budgétaire de chaque dépense fiscale en incluant ses effets sur le comportement des agents. Par nature, ce type d’étude est complexe, repose sur de très sophistiqués modèles macroéconomiques et le résultat dépend très fortement des hypothèses retenues. Il demeure important de garder en tête qu’en aucun cas on ne peut facilement “récupérer” 200 milliards pour financer les retraites (ou les services publics, ou n’importe quoi d’autre).

Pour le comprendre, imaginez que l’on supprime toutes les réductions de cotisations sociales sur les bas salaires, soit une rentrée directe dans les caisses publiques de l’ordre de 50 milliards par an. Largement de quoi payer le déficit des retraites, pas vrai ?

image

Non, car cela augmenterait instantanément le coût du travail. Actuellement, un salarié au SMIC touche 1330€ net et en coûte de l’ordre de 1800€ à son employeur. Supprimer les allègement de cotisations mis en œuvre depuis la fin des années 1990 au niveau du SMIC représenterait une augmentation immédiate du coût du travail de l’ordre de 40%, soit un coût du SMIC chargé de 2500€ environ. Pas besoin d’être un macroéconomiste confirmé ni un ultralibéral convaincu pour comprendre que ton boulanger n’a pas les moyens de payer un SMIC chargé à 2500€ au lieu de 1800€, et que ces 700€ de charges en plus chaque mois par salarié feront couler bon nombre de PME/TPE françaises qui ont une partie de leurs salariés au SMIC. Celles qui ne couleront pas cesseront d’embaucher pour survivre. Le gain immédiat de 50 milliards pour les finances publiques sera donc amoindri (voire annulé) par la montée du chômage et/ou les baisses de cotisations qui résulteront des moindres embauches. Dans quelles proportions ? Je n’en sais rien, je ne suis pas macroéconomiste, mon propos se résume à dire que les effets macroéconomiques ne permettent pas de récupérer sans coûts les sommes avancés dans le rapport.

La France a l’un des coûts du travail les plus élevés au monde pour financer sa très généreuse protection sociale (surtout son système de retraites). Embaucher quelqu’un au salaire médian vous coûte 3270€ par mois alors que la personne en touche… 1848, soit un taux de charges sociales de 75%. La solution retenue de baisser les cotisations sur les bas salaires a son mérite mais engendre une multitude d’effets pervers, à commencer par une incitation pour les employeurs à maintenir les salaires bas pour continuer à bénéficier des dispositifs (trappes à bas salaires). Le coût pour la Sécurité sociale est l’autre problème. Cependant ce n’est parce que ces mesures ont un coût élevé et présentent des effets pervers qu’on pourrait les supprimer gratuitement. Il n’est absolument pas certain que supprimer les réductions de cotisations sociales au niveau du SMIC représenterait à la fin (lorsque les agents auront modifié leur comportement) un gain net pour les finances publiques.

image

Une seconde critique méthodologique porte sur la distinction aides publiques aux entreprises vs aides publiques aux ménages. Le rapport exclut explicitement les aides publiques aux ménages de son champ d’étude. Or, ce choix est tout à fait discutable. Disons-le clairement,  il y a un tropisme en faveur des ménages (donc en faveur de la consommation) et hostile aux entreprises (donc à la production) dans le rapport, mais aussi en France en général. L’idée n’est jamais explicitement formulée mais on comprend, si je caricature un peu, que les aides publiques aux entreprises c’est mal (parce que ça soutient le profit, donc le capital, dans une lecture marxiste), tandis que les aides publiques aux ménages c’est bien, parce que ça soutient le pouvoir d’achat des salariés, donc le travail.

Or je pense que ce tropisme marxiste est binaire et masque trop de choses importantes pour être très pertinent. D’abord, parce que si l’on regarde le coût des niches fiscales les plus importantes, la plupart profitent aux ménages, même quand elles apparaissent de prime abord comme bénéficiant aux entreprises.

image

C’est qu’il n’est pas si simple de dire qui bénéficie de quoi. Principe de l’incidence fiscale : celui qui envoie/reçoit le chèque de l’Etat n’est pas forcément celui qui en bénéficie économiquement. La TVA à 10% sur les travaux de rénovation énergétique est une dépense fiscale qui profite en dernier ressort aux ménages réalisant des travaux dans leur résidence principale (puisqu’ils paient moins chers que sans le dispositif), alors que ce sont les entreprises de rénovation qui reçoivent le chèque. On peut en dire autant de toutes les baisses de TVA, d’ailleurs, dont la plus connue est la TVA alimentaire à 5,5%. Toujours d’après Fipeco, le coût des diverses réductions de TVA en direction des ménages est de 50 milliards par an (tiens, autant que les allègements de cotisations).

image

En fait, savoir si une baisse de TVA profite à l’entreprise ou aux ménages est délicat, parce que cela dépend du comportement de l’entreprise : si le secteur est très concurrentiel, elle va probablement baisser ses prix, et c’est le consommateur qui empoche l’essentiel du gain. Si, à l’extrême inverse, l’entreprise est en monopole, elle n’a qu’à augmenter ses marges, et le consommateur n’en touche rien.

Ma conclusion est qu’il y a une part d’arbitraire à trier les aides aux ménages des aides aux entreprises : une part des aides attribuées aux entreprises bénéficient en fait aux ménages sous forme de baisses de prix, notamment dans les secteurs concurrentiels. De plus, si l’on quitte un instant le tropisme marxiste, certaines aides aux entreprises soutiennent en fait l’emploi (donc le pouvoir d’achat) des travailleurs au SMIC, comme les réductions de cotisations sociales ; tandis que certaines aides aux ménages, sinon la plupart, bénéficient aux ménages aisés et de ce fait entretiennent les inégalités (comme le crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile qui coûte la bagatelle de 10 milliards par an). On peut dénoncer les allègements de charges sur les bas salaires et le CICE, mais alors pourquoi ignorer le crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile, les multiples avantages fiscaux des retraités (presque tous injustifiés, comme la réduction de CSG ou l’abattement de 10% sur l’IR pour frais professionnels, LOL) ou encore les exonérations sur les heures supplémentaires qui bénéficient avant tout aux cadres ?

6. Interpréter le rapport : une critique politique

La lecture marxiste du rapport (on soutient le capital alors qu’on assomme le travail) est tout à fait discutable. Il y aurait même une lecture libérale du rapport, que je partage en partie, selon laquelle ces multiples aides et niches fiscales sont la contrepartie du pays qui a les prélèvements obligatoires parmi les plus élevés au monde. La France, ce pays qui a les impôts les plus élevés au monde, mais aussi les niches fiscales les plus élevées au monde, selon le mécanisme bien connu : on met un impôt (généralement à un taux élevé) pour taxer un truc qui fait plaisir à l’opinion publique puis on créé des tonnes d’exemptions fiscales pour les gens pas contents qui ont les moyens faire savoir qu’ils sont pas contents (les lobbies, qui peuvent être des ménages ou des entreprises).

image

D’ailleurs, le rapport aborde cette critique (p. 52) en la balayant selon l’argument suivant : les dépenses fiscales en direction des entreprises sont compensées par la hausse des prélèvements sur d’autres agents (les ménages, typiquement) :

image

Autrement dit : si l’on supprimait les aides aux entreprises, on pourrait alléger d’autres impôts. Cela est absolument vrai, mais repose la question (sous-jacente) de la distinction entre aides aux ménages = bien et aides aux entreprises = mal. Il est notable qu’il y a une tendance en France à “déplacer la contrainte socio-fiscale relative au financement de la protection sociale sur les ménages” (p. 64), avec la hausse de la CSG et les baisses de cotisations sociales :

Image

Mais, selon moi, cela n’ôte pas le fort biais en faveur de la consommation du système socio-fiscal français, notamment via notre (extraordinairement coûteux) système de retraite qui maintient les revenus des retraités à un niveau égal ou supérieur au revenu des actifs, alors même qu’ils ont bien plus d’épargne et des dépenses contraintes (notamment de famille, de transport et de logement) très inférieures aux actifs :

No photo description available.

Dans le même genre, on pourrait mentionner le fort soutien de l’Etat aux revenus des ménages pendant la crise du covid puis la crise énergétique, les ménages ayant très peu perdu d’argent sur la période 2019-2022 :

May be an image of text that says "Répartition des pertes de revenu réel en 2022 par rapport à 2019 liées à la détérioration des termes de l'échange énergétiques, avant ajustement des comportements privés (en Md€) 90 80 70 60 50 40 30 20 10 32 Avant mesures de soutien Ménages Après mesures de soutien Entreprises État"

Last but not least : les cotisations sociales sont des prélèvements qui ouvrent des droits dans le système de redistribution (à la retraite, à la maladie, au chômage…), contrairement aux taxes assises sur le capital. Comparer les cotisations sociales avec les taxes assises sur les dividendes (par exemple) est donc un peu biaisé : une cotisation retraite vous ouvre un droit à la retraite (même si le système est très injuste), pas le prélèvement forfaitaire unique ou l’impôt sur les sociétés.

Conclusion

Quel que soit l’interprétation qu’on lui donne, le rapport de l’IRES est important et mérite d’être lu. Il n’a pas bénéficié de la médiatisation qu’il aurait mérité, peut être en raison de sa grande technicité. La question de la répartition de la charge fiscale entre les ménages, qui consomment et créent la demande, et les entreprises, qui produisent et créent l’offre, reste ouverte. Pour moi, on devrait supprimer une subvention ou une dépense fiscale lorsqu’elle n’atteint visiblement pas les objectifs qu’elle s’est fixée et/ou qu’elle profite à une petite catégorie de ménages aisés en entretenant les inégalités et/ou qu’elle encourage des rentes de monopole. Inversement, une dépense fiscale qui soutiendrait un comportement vertueux, spécialement dans le domaine écologique (un investissement, une consommation), favorise l’emploi, s’adresse au plus grand nombre ou améliore la formation des travailleurs bref, engendre des externalités positives (dans le jargon des économistes) est moins discutable, qu’elle bénéficie en dernier ressort aux ménages ou aux entreprises. Ce qui importe, il me semble, c’est l’effet final de la dépense sur l’économie, plus que son bénéficiaire initial ou administratif (entreprise ou ménage).

A cette aune, le CICE ou le CIR (Crédit d’Impôt Recherche), qui font chacun l’objet d’un long chapitre dédié dans le rapport, sont très critiquables, car leur coût est élevé et leur résultat médiocre : pour le CICE, cf. note du CAE de 2019 ; pour le CIR, voir à partir de la page 114 du rapport. Plus anecdotique mais pas moins choquant : pourquoi les journalistes bénéficient toujours d’un abattement de 7500€ au titre de l’impôt sur le revenu ? En revanche, il paraît douteux qu’on supprime toutes les réductions de charges au niveau du SMIC ou le crédit d’impôt pour dons aux associations (par exemple), ce qui ferait s’effondrer le tissu associatif français.

Dans tous les cas, il faudra bien s’atteler à ce sujet : la puissance publique perd chaque année des sommes folles dans les niches fiscales alors qu’on manque d’argent pour les services publics régaliens les plus élémentaires. La France dépense beaucoup plus que la moyenne européenne dans les subventions à l’économie (j’en avais déjà parlé ici) mais moins que la moyenne dans l’éducation ou l’hôpital.

Derrière chaque niche fiscale, il y a un chien qui aboie. Gilles Carrez, ancien président de la Commission des finances

Plus fondamentalement, une niche fiscale est une rupture dans le principe révolutionnaire (que la France a inventé !)  à revenu égal, impôt égal. La question n’est pas de savoir s’il faut des subventions et des aides aux ménages ou aux entreprises, la question est de savoir s’il en faut pour 60 milliards (sans parler de 200). Qui paie quoi sera toujours la grande question sociale : Piketty le disait déjà il y a plus de dix ans. La fiscalité peut être aussi technique qu’elle voudra, elle reste fondamentalement une question politique.

Taxer les riches

326108527_636875121573964_4069530218604269821_n

Tout le monde sait ce qu’est un pauvre. Du moins, presque tout le monde. Bien qu’il en existe plusieurs définitions statistiques, par la pauvreté monétaire absolue (moins de 1,9$ par jour, définition de l’ONU), par la pauvreté monétaire relative (moins de 60% du revenu médian soit en France 1128€ par mois pour une personne seule), par l’approche administrative (toucher le RSA) ou encore par la privation de biens essentiels (logement décent…), elles renvoient toutes à la même idée : devoir se priver pour vivre et ne pas accéder, ou difficilement, à des biens et des services essentiels.

Lire la suite

La France et les 1% de CO₂ : cinq arguments pour nuancer

Il revient régulièrement dans le débat public l’argument selon lequel la France n’a aucun impact sur le réchauffement climatique car “elle ne représente que 1% des émissions mondiales de CO2”. Argument souvent avancé par des politiques de droite, qui dit en substance : lâchez-nous la grappe avec nos SUV, le problème c’est la Chine. Lire la suite

Le retour de l’inflation

image

Depuis plusieurs années, les Européens vivent dans un monde avec une inflation faible et stable autour de 1% par an. Ce qui était devenu une habitude dans nos latitudes est cependant loin d’être la norme mondiale. En Afrique, il est rare de trouver des pays avec une inflation annuelle inférieure à 2%: dans cette liste du site Statista, il n’y en a d’ailleurs aucun. Le Cap-Vert est à 2,3% et le record est détenu par le Soudan à 245%, la plupart des pays étant entre 5 et 10%. Autre exemple, l’Argentine, bien connue pour être marquée depuis des décennies par une inflation endémique, contre laquelle les gouvernements successifs ne sont pas parvenus à lutter :

Lire la suite

Le salaire des enseignants

Convention Banque de France – ministère de l'Éducation nationale | Citéco

Ceci est une version développée d’un article paru dans la revue Esprits, dont vous trouverez le lien ici

 

La question des salaires est une question socioéconomique cruciale. Elle est à la fois économique (qu’est-ce qui détermine les rémunérations du travail ?), sociale (pourquoi des inégalités salariales ?), éthique (quel travail, et donc quelle fonction dans la société, « mérite » quel salaire ?). Les économistes et les sociologues s’intéressent depuis longtemps à ces questions, mais nous allons ici nous centrer sur une profession en particulier, dont la rémunération a fait l’objet de nombreux débats durant la campagne présidentielle : celle des enseignants.

Lire la suite

Note de lecture : Le monde sans fin (Blain & Jancovici)

Bon, finalement, je chronique une deuxième bédé…Winking smile

Les auteurs

Christophe Blain est bien connu dans le monde de la bédé. C’est le seul auteur à avoir remporté deux fois le prix du meilleur album du festival d’Angoulême. Je n’ai lu que son œuvre la plus connue : Quai d’Orsay, une chronique diplomatique sur la vie du ministère des Affaires d’Etrangères sous Dominique de Villepin. Dit ainsi, ça ne semble pas très excitant, mais la série est géniale, foncez ! Le dessin de Blain est toujours drôle, propre, original. Il convient parfaitement au projet ici chroniqué. Lire la suite

Que faire de la dette Covid (2/2) ?

Economics 101 : politique budgétaire et monétaire

Depuis la crise des subprimes en 2008, la macroéconomie a connu un certain nombre de bouleversements. Traditionnellement, les économistes distinguent la politique budgétaire et la politique monétaire : la politique budgétaire est menée par les Etats avec le vote parlementaire du budget, et a pour outil le couple dépenses publiques/recettes publiques, et pour objectifs la croissance, l’emploi et la répartition des richesses ; la politique monétaire est menée par une Banque centrale, traditionnellement indépendante des Etats (surtout dans la zone euro) et a pour outils la fixation d’un ensemble de taux dont le principal, le taux directeur, représente le taux auquel la Banque prête aux banques commerciales. Toutes les banques commerciales ont un compte à la Banque centrale : schématiquement, quand la Banque centrale veut rendre le crédit plus cher (pour ralentir l’inflation) elle augmente son taux directeur, ce qui, par effet d’entraînement, augmente le coût du crédit bancaire dans toute l’économie ;  et quand elle veut rendre le crédit moins cher (pour relancer la croissance et abaisser le chômage) elle diminue son taux directeur.

Regarder l’évolution des taux directeurs sur longue période, c’est regarder les cycles économiques :  en période de forte croissance, les taux ont tendance à monter pour freiner la surchauffe, et inversement en période de crise. On remarquera que la Banque centrale européenne a tendance à suivre (avec retard) les taux de la FED (Banque centrale américaine), suivant la conjoncture économique mondiale. Une divergence apparaît à partir de 2015 : alors que l’économie américaine est déjà sortie de la crise des subprimes depuis un moment, le chômage atteignant un point bas historique, l’économie européenne subit les contrecoups de la crise grecque de 2010-2011 et de la crise des dettes souveraines qui a suivi : de là, une divergence de stratégie qui s’atténue en 2020 à la faveur de la crise sanitaire mondiale (le graphique ne le montre pas, mais le taux principal de la FED est actuellement à 0,25%).

Lire la suite

Que faire de la dette COVID ? (1/2)

https://www.challenges.fr/assets/afp/2019/12/20/b1733c449b37219015eda3778fa67e37632620e8.jpg

La dette publique, éternel sujet maltraité

De tous les sujets économiques maltraités dans le débat médiatique (et il y en a beaucoup), la dette publique est sans doute le pire. On en finirait pas d’établir la liste des approximations régulièrement proférés par une variété de politiques, journalistes, pseudo-experts et vaguement économistes dans tous les médias et sur tous les tons sur ce thème.

C’était déjà vrai avant la crise sanitaire. Depuis, la dette publique française a atteint près de 120% du PIB (une grande partie étant lié aux mesures de soutien à l’économie durant le premier confinement, et notamment aux mesures de chômage partiel, on peut donc parler de “dette COVID”) et la litanie des bêtises a repris du service.

A vrai dire, même si ce n’est guère original (mais je n’essaie généralement pas d’être original sur ce blog !), on peut essayer de jouer au jeu des sept erreurs en guise d’introduction. Voici donc six arguments sur la dette publique qui contredisent les clichés médiatiques (nous répondrons à la question proprement dite dans la seconde partie) :

Lire la suite

Note de lecture : la gauche, la droite et le marché (D. Spector)

Le libéralisme peut-il être de gauche ?

La gauche, la droite et le marché (2017) est un livre étonnant. Ecrit par un économiste, il s’agit davantage d’un livre d’histoire des idées économiques et politiques, très riche de références et servi par une plume d’une grande clarté.

Lire la suite

A quoi sert l’économie ?

De la scientificité des sciences sociales

Il y a un peu plus d’un an j’ai écrit un long article intitulé « à quoi sert la sociologie ? » qui traite de sciences sociales en général et de sociologie en particulier, et essaie de défendre la scientificité de la sociologie. L’objet de cet article est de développer ce point de vue en se concentrant, cette fois, sur l’économie. Il sera complémentaire d’un autre article sur le même thème, que j’avais écrit en conclusion d’une série sur l’histoire des courants économiques, consacrée à l’économie contemporaine et où je digressais sur la scientificité de l’économie.

Lire la suite

Capitalisme, anticapitalisme

Définition (simple) du capitalisme

Le capitalisme est un système où la propriété des moyens de production est (au moins en partie) privée, avec un système concurrentiel donc un marché où les prix ont une signification marchande. L’investissement (donc l’initiative privée) y tient une place centrale : pas de capital-isme sans capital. Au centre du capitalisme, on trouve la relation épargne <> investissement (et donc la recherche du profit).

Lire la suite

Vingt-quatre mois de macronisme

800x-1_thumb

J’avais publié il y a un an un article où je critiquais Macron sur des détails tout en le soutenant sur l’essentiel, en particulier sur les réformes économiques. 24 mois après l’élection, si je devais réécrire un article j’en accentuerais la tonalité critique. Être déçu de quelqu’un pour qui on a voté est un peu un marronnier de la démocratie, mais il faut bien reconnaître que l’année 2018 a été riche en déceptions.

Lire la suite

Ecologie : l’innovation ou rien

crise ecologique

Ce n’est aujourd’hui un mystère pour personne que nous vivons une crise écologique sans précédent. Ses principaux traits sont l’épuisement des ressources non renouvelables, le réchauffement climatique, et l’effondrement de la biodiversité. A partir de là, trois grandes réactions se dessinent.

1. Pessimistes et collapsologues

Ils considèrent que c’est déjà trop tard. Sans ressources énergétiques, sans alimentation et avec un réchauffement intenable, nous allons vers l’effondrement généralisé : social, urbain, alimentaire, démographique, etc. On imagine alors un retour à un monde tribal et violent, marqué par les famines dignes de l’Europe à la fin de l’empire romain d’occident. A l’intérieur de ce discours on trouve tout le courant de la collapsologie, qui estime que l’urgence est de préparer un tel monde à venir, par exemple en créant de petites communautés de survie type monastiques avec potager, élevage, autosuffisance, sobriété de vie.

Tout ceci pose des questions évidentes. D’abord sur le plan du constat scientifique. Si la crise écologique n’est pas discutable, ses modalités et ses échéances le sont. Prétendre que l’effondrement est 1° forcément général 2° forcément certain 3° (surtout) datable à brève échéance, par exemple 10 ans, comme je l’ai entendu de la bouche de collapsologues, n’a rien de scientifique.

Forcément général ? Si on comprend l’idée qui consiste à globaliser la pensée pour prendre de la hauteur, sur le mode du “tout est lié”, le risque est de relier des phénomènes qui n’ont qu’un vague rapport entre eux. La pensée scientifique consiste par définition à isoler les causes et distinguer les concepts. Le concept d’effondrement de la biodiversité est scientifique. Le concept d’effondrement tout court, un effondrement “civilisationnel” qui inclurait toutes les dimensions de la vie humaine actuelle, relève plutôt de la mystique ou de la philosophie.

Forcément certain ? Datable ? Les scientifiques (à commencer par ceux du GIEC) modélisent différents scénarios, du plus dangereux au moins dangereux, en fonction des multiples paramètres imbriqués, parmi lesquels la technologie disponible, les émissions prévisibles, la capacité de la biosphère à en absorber une partie, les réactions humaines et les décisions politiques. Dès lors, il est discutable de prétendre que le scénario est écrit à l’avance et qu’il est datable à brève échéance. Avoir une démarche scientifique, c’est estimer sur la base d’arguments factuels la probabilité des scénarios A, B, C en fonction des paramètres X,Y,Z. Et montrer ce qui change si on fait varier un paramètre. Non pas affirmer que tous les paramètres étant déjà écrits, un seul scénario va se produire, dans N années. Voir par exemple cet article du Pharmachien (lien).

Enfin, à supposer que le constat soit exact (l’effondrement sera général, certain et rapide), cette vision ne peut pas définir un projet politique en 2019. Quelques individus motivés et volontaires peuvent sans doute créer ces sortes de communautés autosuffisantes qu’ils appellent de leur vœux (grand bien leur fasse !) ; mais cela restera des initiatives individuelles, et isolées. Vivre ainsi en communauté n’a rien d’aisé, tous les utopistes des siècles passés, du phalanstère de Fourrier aux plateaux du Larzac en passant par les sectes religieuses en ont fait l’amère expérience. Si les moines et les moniales, quant à eux, y réussissent plutôt bien, c’est parce qu’ils s’astreignent à des règles de vie très strictes, avec une organisation sociale hiérarchisée, et qu’ils sont portés par une foi commune qui ancre une solide conscience collective. Il y a quelques mois, j’ai regardé le film “Le Grand Silence”, superbe documentaire sur la vie des chartreux. Ils n’émettent pas beaucoup de CO². Mais ils vivent littéralement dans le dénuement, leur mode de vie n’ayant pratiquement pas changé depuis le Xème siècle. Soyons clair : ça ne fait rêver personne.

Alors, que faire pour survivre à la crise écologique ? Imposer le mode de vie monastique ? Soit une deuxième approche.

2. Une bonne dictature verte

Puisque c’est tout la société qui doit changer, et que l’approche volontariste ne suffit pas, alors il nous faut une bonne dictature verte. Le retour des kolkhozes. Cette position n’est évidemment jamais affirmée telle quelle par les écologistes radicaux, mais est implicite dans nombre de discours et de propositions.

Par rapport aux pessimistes, ces écologistes considèrent qu’il n’est pas trop tard si l’on prend les bonnes mesures énergiques qui s’imposent, c’est-à-dire si le pouvoir politique porte lui-même l’initiative radicale qui convient à la situation. En général, ces propositions tiennent en un mot : interdire.

Il faut interdire les trajets en avion intérieur et extérieur, ou bien avoir un nombre limité par personne ; interdire les centre-ville aux voitures (ou interdire les voitures tout court, d’ailleurs) ; interdire les objets en plastique ; interdire la publicité qui créé un besoin superflu ; interdire les pesticides ; interdire les constructions neuves pour limiter l’urbanisation ; interdire la chasse ; interdire d’arroser son jardin pour économiser l’eau, et interdire de le tondre pour favoriser les insectes. Interdire les dosettes de café, ça pollue, et interdire les croisières, ça pollue encore plus. Interdire la viande, bien entendu ! Interdire, interdire, interdire.

Il ne s’agit pas de discuter ici telle ou telle mesure, encore moins de dire qu’interdire n’est jamais une solution (parfois, c’en est une). Mais de constater qu’il existe un projet politique écologique basé sur l’instauration, petit à petit, d’une véritable dictature au nom de la survie de la planète. Une dictature qui sera basée sur un contrôle social étendu de toutes les dimensions de l’existence, et en particulier celle qui touche à la consommation, de façon à forcer chaque individu à adopter un mode de vie plus propre.

Ce projet sauverait-il la planète ? Sans doute. Mais on voit immédiatement qu’il n’a aucun avenir politique. Personne ne souhaite une dictature verte, même pour sauver la planète. Quand des milliers de personnes sont capables de se mobiliser pendant autant de mois, avec une telle force, pour défendre leur pouvoir d’achat et leur droit de rouler à plus de 80km/h sur les routes nationales non séparées d’un terre-plein central, autant dire que la dictature verte n’est pas pour demain.

Ce projet n’a pas d’avenir politique, et il est de toute façon non souhaitable. Si pour survivre, il faut renoncer à tout ce qui fait le sel de la vie, que vaut-il la peine de survivre ? Car consommer fait (aussi) partie du plaisir de l’existence. Quand on pense à la “société de consommation”, on imagine toujours la vision caricaturale du jeune cadre trentenaire qui change de téléphone tous les six mois. Mais consommer, c’est d’abord consommer des services, et in fine consommer de l’énergie, qui nous rend la vie hautement agréable : l’électricité, les transports (donc la mobilité), les loisirs, les voyages, internet, le chauffage, et tous les objets en plastiques dont nous nous servons quotidiennement : c’est un confort que nous avons accumulé au fil des siècles, et auquel il est très difficile de renoncer. Même quand on est convaincu de la nécessité, d’ailleurs ! Beaucoup d’écologistes militants qui tiennent un discours radical ont une empreinte écologique dix fois supérieure à la mienne, ne serait-ce que tous ces voyages en avion pour convaincre le peuple de l’urgence de la transition. Sans parler de ces présentations powerpoint faites avec un ordinateur dont la production et l’usage génère du CO² (horresco referens) pour montrer la gravité du problème, dans une salle chauffé (enfer !), de ces nombreux posts Facebook qui génèrent de la chaleur dans une ferme de serveurs californienne, etc. Ce n’est pas une surprise : il est beaucoup plus facile de discourir du changement que de se l’appliquer à soi-même, et si c’est déjà le cas des écologistes convaincus, que dire des non-convaincus ? On comprend que la thèse complotiste du “réchauffement climatique qui n’existe pas” fasse florès, elle permet de donner une assise pseudo-scientifique à une absence totale de changement de son propre mode de vie.

Ecrivant cela, je ne prétend nullement qu’il n’y a rien à faire sur le plan des décisions politiques en matière d’écologie. Bien au contraire ! Il faut souvent taxer, parfois interdire, beaucoup inciter. Mais je note que, selon les écologistes eux-mêmes, les demi-mesures ne seront pas suffisantes. Car la crise est déjà trop avancée. Aux dires même des spécialistes de la crise écologique, taxer le kérozène (mesure pourtant nécessaire) apparaît comme dérisoire vu les enjeux. Dès lors, il convient d’en tirer les conclusions qui s’imposent : une dictature verte ou la mort. Il est pour moi très clair que nos contemporains préfèreront la mort. Prétendre le contraire, c’est se leurrer gravement sur notre attachement à notre confort, et oublier que nous vivons dans des sociétés où le processus d’individualisation a atteint un aboutissement inégalé : tout le monde pense aujourd’hui son rapport au monde en fonction de sa propre vie et de ses propres convictions. Il paraît alors inenvisageable à chacun d’imaginer laisser l’Etat avoir un droit de regard aussi radical et extensif sur mon choix de consommer tel ou telle chose au nom d’un hypothétique but collectif, alors que la pensée même d’appartenir à un collectif en hérisse la majorité. Nous sommes attachés aux libertés individuelles. Et nous ne sommes pas des chartreux.

3. L’innovation ou rien

Si le projet collapsologique de petites communautés autosuffisantes restera marginal, et si la dictature verte est impossible, et puisqu’on ne peut pas éviter la crise écologique, alors c’est l’innovation ou rien.

Innovation est un grand mot qui peut désigner bien des choses. Pour aller vite, distinguons après Mensch (1975) l’innovation fondamentale, motrice des cycles économiques et la croissance par “destruction créatrice” (Schumpeter), et la pseudo-innovation, simple différenciation marketing qui ne fait que retarder la saturation des marchés. D’un côté, l’électricité ou internet, de l’autre le dernier iPhone. De Schumpeter à Solow et de Samuelson à Romer, des générations d’économistes ont modélisé et approfondi la question de l’innovation pour comprendre pourquoi elle était aussi importante dans la croissance : pour aller vite, résumons en disant qu’elle produit une amélioration de la productivité, donc de l’efficacité avec laquelle nous utilisons les ressources dont nous disposons (capital et travail), ce qui nous permet de nous enrichir et en même temps de travailler moins.

Analyser le rôle de l’innovation dans la croissance est une chose, se risquer à prédire l’avenir en est une autre. C’est une partie essentielle de la science, mais un art ô combien difficile. Du point de vue économique, il est très difficile de prédire si nous allons vers un nouveau régime de croissance forte porté par des innovations fondamentales, ou si, au contraire, nous sommes entrés dans l’ère de la stagnation séculaire.

D’un côté, des économistes “néo-schumpétérien” comme Philippe Aghion, pour qui de nouvelles phases de fortes innovations sont déjà enclenchées. Si elles ne sont pas encore visibles, c’est qu’on sait mal mesurer l’innovation d’un point de vue comptable. Quand un nouveau produit sort, il est généralement plus cher, si bien qu’on enregistre dans un premier temps une simple inflation avant de constater la différence de qualité. Plus l’innovation est forte, plus l’inflation est surestimée. Quelles innovations seraient alors censées nous sauver la mise ? On peut penser aux innovations suivantes (liste non exhaustive) : la généralisation des voitures électriques ou hybrides, des modes de transport plus efficaces et plus propres (BHNS, bus électriques), le tout alimenté par de nouvelles sources d’énergie, en partie renouvelables et surtout portées par la fusion froide, une diminution du C0² émis par unité de PIB en raison d’une meilleure isolation des logements, de la généralisation de pompes à chaleur dernier cri, le développement de l’économie circulaire, du recyclage, de l’autopartage et du partage de biens en général, la génération et l’amélioration de puits de Co², le pétrole de synthèse, l’agriculture urbaine, etc.

En quoi ces innovations résolvent-elle la crise écologique ? Parce qu’elles conduisent à découpler la croissance de l’énergie. Ce découplage (qui restera toujours relatif) est absolument nécessaire à la diminution de l’empreinte écologique de l’espèce humaine. Comme le montre le montre Alain Grandjean dans un article absolument indispensable (lien), ce découplage est en réalité déjà engagé. Grandjean montre que l’efficacité énergétique pour chaque dollar de PIB s’améliore depuis des décennies. En terme d’économie bas-carbone, nous faisons déjà beaucoup mieux que nos parents. Mais sommes nous assez rapides ?

Ralentissement récent de la réduction du ratio Energie/PIB (en base 100)

Source : Grandjean.

Loin de cet optimiste, les économistes tenant de la stagnation séculaire (Gordon en tête de file) estiment que les innovations contemporaines ne sont pas assez fondamentales, pas assez génératrice d’emplois, et/ou ne seront pas assez rapides compte tenu de l’urgence écologique. Pas assez fondamentales, car entre inventer l’électricité et inventer Facebook, tout le monde voit bien ce qui change le plus la vie. Les innovations modernes ne seraient pas à même d’enclencher des cycles économiques, car elles ne bouleversent pas suffisamment les modes de production. Pas assez créatrices d’emploi, car les innovations modernes sont fortement marquées par l’immatériel : Facebook ne produit rien de tangible et repose entièrement sur le capital coordonné par quelques salariés de haut niveau. Dès lors, la croissance qui en résulte est fortement inégalitaire, ses bénéfices vont à quelques ultraqualifiés et aux possesseurs d’actifs du type brevets. Tout le reste est produit par des robots. C’est la principale leçon de Haskell et Westlake (2018) : nous allons vers un “capitalisme sans capital” fortement inégalitaire, le cas le plus criant étant celui des Etats-Unis. Pas assez rapides, enfin, car les innovations qui arrivent se diffusent trop lentement et les principaux pays émetteurs de Co² ne sont pas nécessairement les pays qui avancent le plus vite : la Chine étant le meilleur exemple. Principal émetteur de la planète, ce pays ne se développe pas aussi mal que l’Angleterre du XIXème, mais est encore loin du compte : plus de 60% de l’énergie consommée en Chine provient encore, à ce jour, du charbon.

Encore une fois, il est difficile de trancher cette question qui relève par définition de la futurologie. En réalité, si la tâche de l’économiste peut être d’étudier les conséquences de telle ou telle innovation, notamment sur l’emploi, ou encore de réfléchir au meilleur moyen de soutenir l’innovation et l’investissement notamment dans les nouvelles énergies (crédit d’impôt recherche ou investissements publics, crédits bancaires ou capital-risque) ou de réduire les externalités négatives induites par la pollution (normes, taxes ou marché de quotas…), la question plus fondamentale de la création future des innovations relève plutôt de l‘analyse de l’ingénieur. Economiste, je ne suis absolument pas qualifié pour dire si le projet ITER sera rentable énergétiquement à moyen terme, même si je vois bien tous les apports potentiels de la fusion froide. En tout cas, Joseph Schumpeter, le premier à avoir sérieusement étudié l’innovation comme moteur du capitalisme, était plutôt pessimiste : dans les années 1920, il estimait que la gestion bureaucratique des grandes organisations engendrerait une réduction de la place de l’entrepreneur-innovateur et donc de la prise de risque, entrainant à terme une disparition de l’innovation.

Conclusion

Je ne sais pas si nous allons sauver la planète, ou plutôt si nous allons nous sauver nous mêmes, car la planète survivra. Car je ne sais pas si les innovations dans 30 ans seront assez radicales et assez rapides pour cela. De plus, “crise écologique” est un terme générique qui désigne des choses très différentes, avec des dimensions quantitatives (l’épuisement des ressources), qualitatives (le réchauffement climatique) ou les deux (la perte de biodiversité), et qui appellent des réponses différentes. Par exemple, la grande peur de manquer de pétrole apparaît aujourd’hui plutôt dépassée : les technologies d’extraction ayant beaucoup évolué, les réserves ont augmenté, et l’on sait aujourd’hui qu’on ne va pas manquer de pétrole à moyen terme. Le problème beaucoup plus urgent est celui du réchauffement climatique, qui nous interdit de brûler celui dont on dispose !

Cependant, je suis persuadé que nous n’avons d’autre choix que d’innover, d’innover plus, plus vite, et d’innover encore. Les écologistes n’adhèrent généralement pas à ce discours, pour deux raisons à mon avis :

  • ils considèrent, dans une perspective pessimiste, que les innovations modernes sont avant tout cosmétiques, et donc présentent une logique de “greenwashing” (ce qui n’est vrai que pour certaines : le greenwashing existe, les vraies innovations aussi) ;
  • ils estiment plus fondamentalement que l’innovation ne fait que poursuivre la logique générale du système capitaliste de consommation, alors qu’il faudrait en changer.

Ce en quoi je suis parfaitement d’accord : en écrivant “l’innovation ou rien” je suis parfaitement conscient que je ne cherche aucunement à bouleverser le système. Mais c’est précisément pourquoi j’ai écrit les deux premières parties de cet article : “bouleverser le système” ou “renoncer à la société de consommation” n’est rien d’autre qu’un terme pour “dictature verte” (si c’est imposé par les pouvoirs publics) ou “collapsologie” (si ça vient de la société civile). Dans ce dernier cas, c’est déjà possible, et rien ne vous empêche de vous mettre à la vie monastique. Cela restera marginal. Parce qu’il est facile de tenir de grands discours sur le renoncement à la société de consommation et le “bonheur dans la sobriété” ; plus difficile de renoncer soi-même à des décennies de confort. En réalité, nous faisons déjà (presque) tous des efforts : plus ou moins importants en fonction de nos convictions et de nos possibilités, certes, mais l’écologie imprègne désormais, dans les pays développés du moins, toutes nos décisions d’achat. Seulement, rappelons que pour respecter l’accord de la COP21, ce n’est certainement pas quelques légumes dans son jardin et aller au travail en vélo qui suffiront. Le smicard français émet déjà beaucoup trop de Co². Il vous faut renoncer à l’essentiel de vos transports, de votre chauffage, de vos appareils de loisirs. On parle de revenir au mode de vie “propre” du XVIIème siècle, où l’agriculture nourrissait grosso-modo 800 millions d’êtres humains. Que fait-on du surplus ? Seule l’innovation peut permettre de conserver au moins une part de ce confort acquis tout en préservant la planète.

Il est certain que la course à l’innovation implique parfois des produits absurdes, comme ces mini-drones chinois censées remplacer les abeilles disparues. Cependant, ce serait exagéré de réduire toutes les innovations à cela. Parce que la dictature verte n’est pas une option, parce que le retour à la vie monastique n’est pas engagé, parce que la crise écologique est bien réelle : c’est l’innovation ou rien.

Faut-il baisser les dépenses publiques ?

« Nous dépensons 57% de notre PIB en dépenses publiques ».

Le chiffre a plusieurs fois été évoqué par Macron et le gouvernement pour justifier, désormais dans le cadre du « Grand Débat », la baisse des dépenses publiques (jugée urgente). Le chiffre est exact (57% du PIB, c’est 1250 milliards environ) mais il y a pas mal de remarques à faire avant d’en inférer qu’il est urgent de diminuer le nombre de fonctionnaires.

1. On a 1250 milliards de dépenses publiques. Sur ces 1250 milliards, il y a 800 milliards de Sécurité sociale. Le budget de la Sécu sera en 2019 (pour la première fois depuis 18 ans) en excédent, et les frais de gestion sont très faibles, de l’ordre de 5%. Donc on a déjà 760 milliards qui repart directement dans les poches des Français. Viennent ensuite les aides sociales (au sens strict, c’est-à-dire les minimas sociaux) versés par l’Etat. Le poste de dépenses est d’environ 25 milliards pour une dizaine d’allocations, dont près de la moitié pour le RSA. Soit 760 + 25 = 785 milliards, soit plus de 60% (785/1250 = 62.8%) des dépenses publiques qui est directement redistribué aux Français. Il faudrait affiner avec les collectivités locales mais c’est un ordre de grandeur. Premier point, donc : le chiffre des 57% du PIB en dépenses publiques représente beaucoup plus une estimation de la redistribution (argent qui *transite* par l’Etat) qu’une estimation du coût de l’Etat, comme certains éditorialistes (et le gouvernement) le sous-entendent. En réalité, plus de 60% de cet argent « dépensé par l’Etat » est dépensé par les Français comme ils l’entendent. Ce montant peut être diminué, certes, mais cela signifie amoindrir la redistribution, au détriment des plus pauvres qui en bénéficient.

2. Reste les 40%, soit 500 milliards qui ne sont pas directement redistribués. C’est peut être là que se concentrent les critiques libérales, insistant sur les 5 millions de fonctionnaires en France (1/5ème de l’emploi, record de l’OCDE), sur le poids de l’Etat et de la bureaucratie. Là encore cependant, plusieurs remarques sont nécessaires pour prendre du recul. La quasi-totalité de cet argent (tout, moins les intérêts de la dette de 45 milliards soit environ 455 milliards) finance des services publics, soit en payant des agents (fonctionnaires et assimilés) soit par des dépenses d’investissement et de fonctionnement. Il y a donc deux grandes questions.

3. La première question est : peut-on se passer du service public untel ? Il est aisé de clamer qu’il faut baisser les dépenses publiques, il est beaucoup plus difficile de déterminer ce dont il faut se passer. Moins d’infirmières, moins d’enseignants ou moins de juges ? Ou peut être moins de policiers ? C’était l’un des arguments d’Olivier Passet (Xerfi) : si l’on compare non pas le nombre de fonctionnaires mais les emplois utilisés pour chaque fonction (police, justice, éducation…), indépendamment du statut, la France se situe dans la moyenne basse de l’OCDE, loin derrière l’Allemagne ou encore le Royaume-Uni et même les États-Unis. En gros, les autres pays utilisent encore plus d’agents pour les services publics, mais ils ont moins souvent un statut de fonctionnaires. Ce qui explique le paradoxe de la France, avec à la fois beaucoup de fonctionnaires par habitant mais pas plus de médecins ou d’enseignants. De quoi peut-on se passer ? Il y a de bonnes chances que la réponse soit pas grand chose, à part sans doute quelques coûteux comités Théodule (genre le CESE et autres Haut Conseil machin). C’est déjà ça, mais ce n’est rien qui nous ferait économiser des milliards et permettrait de baisser massivement l’impôt, comme le prétend le gouvernement.

4. De plus, à supposer qu’on identifie ce dont on peut se passer (mettons, les emplois de fonctionnaires territoriaux), il est difficile, concrètement, d’identifier les services/emplois à supprimer. Cela nécessite de disposer d’une bonne information sur la productivité de chaque service : de nombreux travaux de sociologues et d’économistes ont montré que dans une grande bureaucratie (c’est vrai aussi dans une grande entreprise) c’est extrêmement difficile. Cela tient à la structure très hiérarchique de telles organisations et à l’absence de bonne diffusion de l’information. On ne touche pas à certains salariés, mêmes incompétents. Selon le principe de Peter, tout employé compétent est promu au niveau hiérarchique supérieur jusqu’au point où il atteint son seuil d’incompétence ; les employés incompétents n’étant jamais rétrogradés et rarement virés, un ministre qui voudrait « réduire les dépenses » a toutes les chances de ne pas réduire les bonnes.

5. Deuxième question : un service qui nous est utile serait-il plus efficace/moins cher s’il était privatisé ? On garde le service mais on fait appel au privé au lieu d’embaucher un fonctionnaire. Si une commune embauche un cantonnier pour ramasser les poubelles, ce sera comptabilisé en « dépenses publiques + fonctionnaires » ; si, comme en Allemagne, elle fait appel à une entreprise privée, cela sera une dépense publique mais il n’y aura pas d’embauches de fonctionnaires car il s’agit de sous-traitance. Qu’est-ce qui est préférable ? Qu’est-ce qui est le plus rationnel ? Contrairement aux idées reçues sur les économistes qui défendraient systématiquement le marché, la réponse académique (ici, l’économie des organisations, et notamment les travaux de Coase et Williamson) est « ça dépend ». Ça dépend essentiellement de trois critères : spécificité des actifs (est-il facile de trouver un individu ayant les compétences de cantonnier sur le marché du travail ? puis-je trouver une autre entreprise qui sait fabriquer une centrale nucléaire ? etc.), de la récurrence de la relation (ai-je besoin d’un cantonnier ponctuellement ou en permanence ?) et enfin de la possibilité de comportements opportunistes. Le comportement opportuniste, c’est le risque que la personne, avant la signature d’un contrat, biaise l’information (même involontairement) car elle détient une information que le co-contractant n’a pas (asymétrie d’information) ; ou après la signature du contrat, ne mette pas toute l’énergie attendue par le co-contractant en cherchant son intérêt à court terme (risque d’aléa moral). On pourrait ajouter en quatrième critère le poids des coûts fixes qui fait qu’il est parfois préférable d’avoir un monopole public pour éviter un monopole privé, qui fera la même chose plus cher : c’est le cas des autoroutes par exemple.

6. Quelques exemples. Comme l’a rappelé Loïc Steffan, le système de santé français, largement public, est bien plus efficace que le système américain quand on compare à la fois les résultats et le coût. Les Américains soignent proportionnellement moins de personnes pour un coût plus élevé. C’est parce que la santé est un secteur où les comportements opportunistes peuvent être nombreux : seul l’assuré connaît bien son état de santé, l’assureur le connaît mal. Si le secteur est privé, les compagnies d’assurance vont dépenser des sommes folles en bureaucratie pour éviter les patients malades en leur faisant faire de nombreux check up de santé avant des les accepter comme clients, en rendant les contrats difficiles à comparer, en faisant payer des franchises (un américain qui veut entamer une chimio appelle d’abord son assurance pour savoir combien il paye de sa poche, surprise), et en élevant les primes moyennes. On voit alors émerger un système artificiellement coûteux et inefficace où, à l’extrême, les personnes en bonne santé ne veulent pas payer pour une assurance qu’elles jugent trop chère et où celles en mauvaise santé ne sont pas couvertes : c’est la sélection adverse. Le moyen de réduire l’asymétrie d’information est d’universaliser le système (ce qui dilue le risque sur l’ensemble des citoyens), de rendre l’assurance obligatoire (pour éviter que les personnes en bonne santé refusent de payer pour les malades), et de centraliser les informations et la gestion des dossiers : c’est exactement ce que fait la France avec la Sécurité sociale et aux dernières nouvelles ça marche très bien.

Inversement, pour reprendre l’exemple du cantonnier, supposons un fort aléa moral, une relation peu récurrente et des actifs peu spécifiques. Autrement dit, une commune qui n’a besoin que d’une mission ponctuelle, qui sait qu’elle pourra facilement trouver une personne sur le marché du travail qui dispose des qualifications nécessaires et qui ne peut que mal contrôler le travail du cantonnier : elle a alors tout intérêt à faire appel à une entreprise privée qui se chargera des espaces verts plutôt que d’embaucher un fonctionnaire payé même en l’absence de travail, qui pourra avoir une productivité faible, n’ayant aucun risque de perdre son emploi quelle que soit la qualité de son travail (aléa moral). Cela implique cependant de bien rédiger les contrats (coûts juridiques) car l’entreprise privée ne fera pas ce qui n’est pas prévu dans le contrat. C’était l’exemple que prenait Delaigue avec l’entreprise qui estime qu’il n’est pas dans son contrat de chasser les guêpes du conteneur à verres.

Conclusion

Les 57% de dépenses publiques se répartissent grosso-modo entre 35% de redistribution (c’est donc en réalité de la dépense privée qui *transite* par les pouvoirs publics) et 22% de service publics. On peut toujours améliorer la redistribution, mais on voit mal ce qui permettrait de diminuer beaucoup ce poste. Un exemple classique est le cas des retraites. La France a un régime de retraites par répartition public donc les retraites sont intégrées dans les 57% de « dépenses publiques ». C’est quasiment un tiers du budget de la Sécurité sociale, environ 220 milliards. Si on voulait « économiser » sur ce point, ce serait forcément en baissant les pensions, au profit de régimes privées, qui n’ont nullement fait la preuve de leur efficacité, bien au contraire dans le cas des États-Unis.

Reste les 22% de services publics. On peut toujours trouver des secteurs où le privé ferait mieux et moins cher. La concurrence a fait la preuve de son efficacité dans nombre de domaines, mais loin s’en faut que ce soit dans tous. Personne ne souhaite aujourd’hui revenir au temps du monopole public de France Télecom et autres PTT quand on voit le bien que la stratégie agressive de Free a fait sur la facture moyenne de téléphonie et sur l’innovation dans le secteur. Les arguments montrent également qu’une mise en concurrence des trains via un système d’appel d’offres (enchères) produirait un service plus efficace pour le même prix. En revanche, dans le cas de la santé, le système française se révèle plus efficace que le système américain tout en étant moins cher. C’est quasiment du cas par cas et c’est complexe. Loin d’une approche idéologique à base de « il faut baisser les dépenses publiques parce qu’il le faut ».

De quoi le salaire est-il le signe ?

Un nouveau travail dans la catégorie “agrégation”.

L’étymologie du mot « salaire » renvoie au sel, qui fut pendant longtemps une denrée rare et précieuse car c’était le seul moyen de conserver les aliments. Celui qui reçoit une solde (le soldat) perçoit du sel (un salaire). Dans le sens moderne, le salaire désigne la rémunération que reçoit un salarié en échange de son travail. Cette rémunération se fait aujourd’hui sous forme de monnaie fiduciaire et non plus en échange de denrée.

Lire la suite

Les transformations de la microéconomie après 1945

Introduction

On peut retracer les fondations de la microéconomie aux travaux des marginalistes (Menger, Jevons et Walras) à la fin du XIXème siècle. Ce sont les jalons fondateurs du néoclassicisme qui sera synthétisé par Alfred Marshall au début du XXème siècle. Les néoclassiques se distinguent en effet des classiques sur plusieurs points : théorie de la valeur subjective fondée sur la loi de l’offre et de la demande, recherche de l’équilibre général sur les marchés (ce qui déplace le fondement de l’étude de l’origine de la valeur à la formation des prix), hypothèse de concurrence parfaite, et enfin raisonnement microéconomique qui procède le plus souvent de l’agent rationnel au comportement maximisateur. Lire la suite