Après Charlie : sur l’islam (2/2)

Deuxième partie : le terrorisme en France, l’islam, l’islamisme et la violence.

Après Charlie, en France
1. Terrorisme et peur du terrorisme
2. Islam et musulman : amalgames ?

L’islam, l’islamisme et la violence
1. Le problème de l’interprétation du Coran
2. L’histoire de l’islam et la liberté de changer de religion
3. L’islamisme, des causes sociopolitiques ?

Conclusion

Lire la suite

Décroissance ? (4/4)

L’aspect normatif : tendre vers la décroissance ?

N’oublions pas que la décroissance ne consiste pas en un simple constat sur le monde et son avenir mais surtout en la proposition de solutions. C’est là que se séparent écologistes « traditionnels » et décroissants. Les premiers vantent le recyclage, les énergies alternatives, les voitures électriques, le bio, le « produire et consommer autrement », bref, la « croissance verte ». Les second n’y croient pas et, plus radicaux, affirment qu’il faut consommer non pas mieux mais moins ; qu’il faut aussi produire moins ; que les énergies renouvelables ne sont pas une solution durable si la consommation augmente ou se maintient, etc. Ajoutons les malthusiens qui proposent des scénarios plus ou moins apocalyptiques sur la réduction –nécessaire, d’après eux– de la population. Un certain nombre de slogans typiquement décroissants traduisent cette vision des choses : les « 8R » de Serge Latouche, « plus de liens, moins de biens », « décroissance conviviale », « simplicité volontaire », etc. Lire la suite

Décroissance ? (3/4)

De la consommation

A ce qui a été évoqué précédemment, les décroissants pourraient répondre que notre mode de vie est devenu intenable à cause de la hausse de notre consommation ou de notre production (PIB). Nous sommes peut être plus efficaces et plus soucieux d’environnement, mais nous consommons bien plus quantitativement, ce qui annule (et même davantage) l’effet positif des constats précédents. On emploie le terme « effet rebond » : si une nouvelle télé est moins gourmande en électricité, mais qu’on en vend deux fois plus que l’ancien modèle, il n’y a pas de gains en matière énergétique. Le PIB mondial actuel est, à l’unité, 40% moins intense en carbone que celui de 1970, mais il est 200% plus élevé en volume. Lire la suite

Décroissance ? (2/4)

Le futur est-il prévisible ?

  • Le premier point, et le plus important sans doute, est que les économistes affirment qu’on ne peut pas prédire le futur sur une échelle longue de temps (plusieurs dizaines d’années) avec certitude. Cela peut paraître trivial, mais n’oublions pas que tous les modèles prédictifs catastrophistes, tous les rapports qui affirment que nous allons « dans le mur » ou que nous n’allons plus avoir de pétrole/gaz/charbon (rayer la mention inutile) d’ici X années reposent sur l’hypothèse fondamentale d’un progrès technique nul. Autrement dit, ils raisonnent avec les techniques d’aujourd’hui. C’est bien naturel, car précisément, nul ne peut prévoir les techniques qui seront celles de nos descendants.

Lire la suite

Décroissance ? (1/4)

Quand on tape “La décroissance” sur un moteur de recherche, les trois premiers résultats renvoient vers un parti politique (le “Parti pour la décroissance”), qui en fait ressemble plus à un blog promouvant une association, un journal (La décroissance), et un “Institut d’études économiques et sociales pour la décroissance”, une sorte de blog, d’annuaire ou de recueil de liens et de citations. Lire la suite

La rationalité en économie (2/2)

Un mot sur l’humilité

Pour continuer ce billet j’aimerais (commencer par) dire deux mots. Le premier concerne l’humilité. Il faut en avoir un peu avant de proférer n’importe quelle affirmation à n’importe quel sujet, en se demandant si quelqu’un (au hasard, un chercheur) n’a pas déjà réfléchi à cette question, et surtout, n’y a pas déjà apporté de (meilleures) réponses, et s’il ne serait pas, finalement, plus judicieux…de se taire. Lire la suite

La rationalité en économie (1/2)

Le débat médiatique français est pauvre en économie

L’économie est une science incomprise. Parmi toutes les sciences humaines, elle est probablement celle dont on parle le plus dans les médias, qui infligent à l’éco-allergique des considérations (très) régulières sur la croissance, l’investissement, l’inflation, la politique budgétaire française et la politique monétaire allemande, etc. Qu’on le veuille ou non, l’actualité est constellée de termes et d’analyses économiques. Ce n’est pas le cas de la sociologie ou de l’histoire, disciplines pourtant tout aussi scientifiques (et intéressantes) que l’économie. Lire la suite

Droit et morale

Il y a toujours pour l’homme, un dilemme entre droit et morale, institutions et éthique. Il existe de nombreuses situations où nous devons faire ce choix. Passant devant un sans-abri, nous pouvons choisir la morale (lui donner un peu d’argent, un sandwich, ou, dans l’autre sens, cynique, lui donner une leçon sur les vertus de l’autosuffisance) ou bien le droit (en appeler à la loi, aux services sociaux, aux droits de l’individu). Confronté à un abus de bien social en entreprise, ou à un problème de harcèlement, nous pouvons utiliser la réponse du droit (plainte, en référer à la hiérarchie) ou celle de la morale (tentative de conciliation, rappel informel à l’ordre, sermon, etc.). Face aux inégalités encore, nous pouvons préférer la réponse de la morale (« il faut que les plus aisés aident les plus pauvres », fassent acte de charité), ou celle du droit (il nous faut des institutions pour lutter contre les inégalités).

Lire la suite

Dieu existe-t-il ? (5/7)

5. De l’origine de l’ordre : l’hypothèse créationniste

Après avoir constaté que le monde était un amas de chaos sur un lit d’ordre, nous pouvons nous pencher sur l’origine de tout cela. On retrouve ici encore trois hypothèses concurrentes :

  • La première option, celle généralement retenue par tout scientifique qui cherche à « écarter l’hypothèse de Dieu » (1), est celle du hasard complet. Il faut bien s’entendre sur les termes. Par hasard, j’entends l’absence de causes connues : l’Univers est le fruit d’un ensemble de circonstances réunies sans qu’on sache pourquoi, ou pour reprendre une définition de probabiliste, c’est un événement fortuit résultant de la rencontre accidentelle de séries causales indépendantes, qui aurait pu tout aussi bien ne pas se produire. Par complet, je veux dire que cette hypothèse ne fait intervenir que le hasard, et rien d’autres. 
  • La seconde, créationniste, postule que le hasard n’existe pas. Tout ce qui vit dépend de l’existence d’un Dieu Créateur, non seulement à l’origine du monde mais encore de toutes les formes de vie. Des variantes plus modernes et subtiles, généralement regroupées sous le terme « intelligent design » (Dessein intelligent) et s’appuyant sur les limites de la théorie darwinienne et les problèmes qu’elle pose (notamment l’explication de la complexité), affirment que Dieu agit ou a agi à travers toutes les lois de la création : reproduction et sélection des espèces par exemple.
  • La troisième mélange hasard et nécessité, Dieu et les lois de l’Univers. Seul Dieu pourrait expliquer l’origine de l’Univers ; cependant, les mécanismes naturels découverts par la science pourraient quant à eux expliquer l’apparition et le développement de la vie, sans intervention d’un Créateur. A la limite, Dieu pourrait avoir « lancé » le processus, puis l’avoir laissé agir à partir des lois (notamment la sélection naturelle) qu’il avait lui-même créée. Selon le degré d’intervention divine, cette approche sera plus proche du déisme de Voltaire (croyance en un Dieu-architecte, horloger de l’Univers mais qui n’intervient pas) ou du théisme (croyance en un Dieu personnel qui s’intéresse aux hommes).

Nous essaierons de discuter brièvement ces trois hypothèses, en commençant par la plus simple à réfuter : l’option créationniste.

L’hypothèse créationniste postule qu’il n’y a pas de hasard dans l’histoire de la vie. Dieu intervient à tout moment. Si l’on suit une lecture littérale de la Genèse, la Terre aurait donc moins de dix mille ans, toutes les espèces auraient été créées en même temps, etc. Dans sa variante plus moderne –ou plus subtile, comme on veut– dite du « dessein intelligent », la lecture de la Bible n’est pas aussi littérale, et l’idée d’évolution est acceptée (et en particulier de macroévolution, impliquant l’apparition et la disparition d’espèces). On considère néanmoins que l’intervention divine a été requise pour toutes les étapes de celle-ci. Sans Dieu, disent en substance les partisans du dessein intelligent, un organe aussi fantastique de complexité que l’œil n’aurait pas pu apparaître.

L’hypothèse créationniste, que ce soit dans sa version forte ou dans sa version faible, pose de redoutables difficultés. Les lister toutes est impossible. Dire que la Terre a moins de dix mille ans va évidemment à l’encontre de la datation de toutes les roches et sédiments obtenus depuis que l’on sait que certains isotopes radioactifs –uranium, potassium– se dégradent à une certaine vitesse, ce qui permet de dire que la Terre a environ 4,5 milliards d’années. Concernant l’évolution, l’hypothèse créationniste au sens fort est incapable aussi d’expliquer l’existence des dinosaures et d’espèces humaines différentes de la nôtre : Homme de Neandertal, Homme de Florès, Australopithèque, etc. Et comment expliquer la persistance d’un organe inutile comme l’appendice chez l’homme si toutes les espèces ont été créées ? Pourquoi avons-nous des dents de sagesse si nous n’avons pas évolué ? La liste est imperfections de la nature est longue, et constitue un argument très fort en faveur de l’évolution.

Même dans sa version faible, subtile, l’hypothèse créationniste n’est pas satisfaisante. Francis Collins estime à juste titre qu’elle est théologiquement faible, revenant à faire de Dieu un « bouche-trou » pour combler les lacunes actuelles de la science. Or, la biologie explique de mieux en mieux comment des organismes monocellulaires peuvent se complexifier, comment l’ADN se code et se réplique, comment les gènes se transmettent, etc. La science peut expliquer aujourd’hui pourquoi un organe complexe peut apparaître à partir d’un organe simple, suite à une longue série de modifications légères, étalée sur plusieurs dizaines de millions d’années. Elle expliquera cela encore mieux demain. Regardez cette vidéo, par exemple.

Francis Collins cite à raison saint Augustin, qu’on ne peut pas soupçonner d’être athée et qui écrivait, plus de mille ans avant que quiconque n’ait la moindre raison de se montrer contrit au sujet de Darwin, dans un texte qui s’intitule explicitement De la Genèse au sens littéral : « Si l’Écriture nous offre des vérités obscures, hors de notre portée, et qui, sans ébranler la fermeté de notre foi, prêtent à plusieurs interprétations, gardons-nous d’adopter une opinion et de nous y engager assez aveuglément pour succomber, quand un examen approfondi nous en démontre la fausseté ; (…) Le ciel, la terre et les autres éléments, les révolutions, la grandeur et les distancés des astres, les éclipses du soleil et de la lune, le mouvement périodique de l’année et des saisons ; les propriétés des animaux, des plantes et des minéraux, sont l’objet de connaissances précises, qu’on peut acquérir, sans être chrétien, par le raisonnement ou l’expérience. Or, rien ne serait plus honteux, plus déplorable et plus dangereux que la situation d’un chrétien, qui traitant de ces matières, devant les infidèles, comme s’il leur exposait les vérités chrétiennes, débiterait tant d’absurdités, qu’en le voyant avancer des erreurs grosses comme des montagnes, ils pourraient à peine s’empêcher de rire ». Plus loin, Augustin se montre précurseur du NOMA en estimant que la Genèse est d’abord un texte qui nous éclaire sur la nature de Dieu et nous donne des clés pour le salut, et non un traité de physique, et en affirmant que toute interprétation littérale de la Bible, qui serait acceptable un jour, court le risque d’être réfutée par la science un autre jour. Il était en cela prophétique.

Bien après lui, Descartes (dans Notae in programma quoddam, traduit ici par Denis Moreau) distinguera plusieurs catégories d’opinions : 

il y a trois genres de questions qu’il faut distinguer. Certaines choses en effet ne sont crues que par la foi, comme le sont le mystère de l’Incarnation, la Trinité, et d’autres semblables. D’autres, bien qu’elles regardent la foi, peuvent pourtant être recherchées par la raison naturelle ; parmi elles, les théologiens orthodoxes ont coutume de recenser l’existence de Dieu, et la distinction entre l’âme humaine et le corps. Et enfin d’autres ne concernent en aucune façon la foi, mais seulement le raisonnement humain, comme la quadrature du cercle, la façon de fabriquer de l’or [c’est-à-dire une question de géométrie, et une autre de chimie], et d’autres semblables. Mais ils abusent des paroles de la Sainte Écriture, ceux qui, en les expliquant mal, pensent en tirer des [énoncés] de la troisième catégorie ; et de même, ils portent aussi atteinte à l’autorité de l’Écriture ceux qui s’efforcent de démontrer des énoncés de la première catégorie par des arguments tirés de la seule philosophie ; néanmoins tous les théologiens soutiennent qu’il faut montrer que ces énoncés mêmes ne sont pas contraires à la lumière naturelle, et c’est en cela qu’ils font principalement consister leur travail.

La science vient donc nous rappeler que la constatation d’une chose ou d’un être complexe ne suffit pas à prouver l’intervention d’un Créateur, en ce qui concerne l’origine de la vie tout du moins.


(1)  Les amateurs auront reconnus la célèbre formule de Laplace. Physicien français du XIXème déterministe, il répondit à Napoléon qui lui demandait où était Dieu dans sa théorie : « Sire, je n’ai pas eu besoin de cette hypothèse ».

Dieu existe-t-il ? (4/7)

4. L’ordre et le désordre

Rentrons dans le vif du sujet et examinons les arguments. Un volet important des arguments philosophiques sur l’existence de Dieu peut être qualifié de « physico-biologique » : ces arguments s’intéressent à la façon dont le monde existe et en tirent des conclusion métaphysiques. La question de  l’ordre et du désordre dans le monde occupe une place importante. Si en effet on parvient à montrer que le monde est ordonné, structuré d’une façon régulière, alors on pourra peut être conclure que l’origine de cet ordre est Dieu ; à l’inverse, si le monde est chaotique, il semble plus difficile d’imaginer un Dieu qui en soit à l’origine, car cela signifierait que l’ordre (Dieu) est à l’origine du chaos. Peut être que le premier mouvement philosophique de l’homme est de se regarder, et regarder son monde. Que voyons-nous ? Un monde complexe, mélange d’ordre et chaos. Lire la suite

Dieu existe-t-il ? (1/7)

Avant-propos

J’entame une nouvelle série d’articles qui a pour but de discuter de l’existence de Dieu. Comme à mon habitude, j’entends ici traiter d’une question qui n’a rien d’original. La question de l’existence de Dieu est disputée de toute éternité, et même l’emploi de ce mot ne parvient pas à masquer l’euphémisme. Lire la suite

Faut-il réduire les déficits publics ? (4/4)

En trois articles, nous avons présenté et étudié succinctement la question des déficits publics, en concluant à la nécessité de leur réduction. Mais rien de ceci n’est très original. Chez les économistes, la question des déficits publics, dans son aspect diagnostique, est plus consensuelle qu’on le croit (ou qu’on veut le faire croire). Lire la suite