Faut-il réduire les déficits publics ?(2/4)

Peut-on refuser de payer la dette publique ?

La dette publique représente l’accumulation des déficits au fil des années. Beaucoup de fantasmes circulent à ce sujet. Par exemple, qu’on peut facilement décider de faire défaut sur sa dette, et ne pas la payer (la dette étant perçue, pour diverses raisons, comme illégitime). Le problème n’est pas dans le refus de payer sa dette, mais plutôt ce qui se passera après. Un pays qui refuserait d’honorer ses dettes ne pourrait plus emprunter sur les marchés. Or la France emprunte en permanence sur les marchés. Tenez, rien qu’en mars dernier, l’agence France Trésor a emprunté plus de 60 milliards d’euros. A moins de 1,8% l’intérêt, les OAT françaises se vendent d’ailleurs assez bien. C’est précisément pour réduire le coût de la dette publique que les marchés ont été développés à partir des années 1980. On peut en effet emprunter beaucoup plus massivement qu’avec les banques, et réduire le coût de l’emprunt en mettant les prêteurs en concurrence (mais avec un risque plus important). Le paiement des intérêts d’emprunt ne représente en 2011 que 4% du total des dépenses des APU (50 milliards sur 1200). Si on rapporte cela au budget de l’Etat, cette part augmente évidemment, à 15%.

Peut-on financer la dette par l’inflation ?

Certains idéalisent le temps où l’Etat finançait sa dette par l’inflation. L’inflation sert en effet l’Etat-emprunteur : il rembourse en monnaie dévaluée, et récupère d’autant plus de TVA que les prix augmentent. Avant que la mondialisation et l’euro ne rendent cela impossible ou presque, l’Etat avait donc pour habitude de financer ses déficits par la planche à billet ou la dévaluation. Mais cela revient à ponctionner les épargnants et les consommateurs, et ce n’est tenable (tant économiquement que politiquement) que si les salaires progressent plus vite que l’inflation. C’était le cas dans le contexte d’une croissance européenne de rattrapage, portée par la reconstruction, le développement de la société de consommation, les énergies peu chères, l’entrée des femmes sur le marché du travail, la hausse rapide de la qualification de la main d’œuvre, etc. Dès lors que toutes ces conditions sont caduques, l’inflation est une inflation sans croissance, c’est-à-dire une stagflation, comme la France en a connu sur la décennie 1973-1984 : de 1973 à 1984 l’inflation est en moyenne de 10,6% par an ! Sur le même période, le taux de croissance annuel moyen est de 1,2%. Le pic de la stagflation est certainement 1975 : l’inflation est alors supérieure à 13%, tandis que la croissance est négative (-1,12%).

Peut-on financer la dette en vendant les actifs publics ?

On peut établir une distinction entre dette brute et dette nette. Dans le débat public, la dette évoquée est toujours la dette brute : pour obtenir la dette nette, on lui soustrait les actifs possédés par les APU. Par exemple, la dette publique française au sens de Maastricht était, en 2007, de 69,9 % du PIB d’après l’OCDE. Si l’on soustrait à cette dette les actifs financiers, on obtient la dette financière nette qui n’est plus que de 34% du PIB (toujours selon l’OCDE). Et si l’on calcule le patrimoine public, en intégrant l’ensemble des actifs physiques, le solde est positif, d’environ 38 % du PIB. Un chiffre qu’il faut néanmoins relativiser dans la mesure où l’on peut supposer que tenir compte des engagements financiers, au sens strict, impliquerait de prendre en compte les dépenses futures prévisibles (les engagements implicites de l’État), par exemple les retraites des fonctionnaires. Il faut admettre que le calcul serait alors assez compliqué. Prenant acte de ce raisonnement, de bons esprits expliquent qu’en réalité, l’Etat n’est pas endetté….mais cela sous-entend que pour payer sa dette, il devrait vendre ce qu’il possède, et l’on ne parle pas simplement de quelques châteaux, mais des écoles, des musées, des hôpitaux. Préconiser une privatisation massive pour payer les dettes n’est pas sérieux. Cela permet néanmoins de dédramatiser un peu la dette en rappelant que l’Etat possède des actifs.

L’Etat est-il un ménage ?

Alexandre Delaigue rappelle par ailleurs qu’un Etat n’est pas une entreprise ou un ménage. Les comparaisons des politiciens expliquant doctement à la ménagère qu’un Etat c’est comme un ménage, il ne peut pas vivre au-dessus de ses moyens, ne sont pas pertinentes. D’abord parce qu’un Etat ne meurt jamais, contrairement à ceux qui le dirigent. Son horizon temporel d’emprunt est donc illimité. Ensuite parce que vous ne pouvez pas, si vous ne parvenez pas à payer vos dettes, décider unilatéralement d’augmenter votre salaire. L’Etat le peut. Bien sûr, les impôts ne peuvent pas être augmentés de façon illimitée, car il y a un risque de pénaliser l’activité et de subir un effet Laffer. Mais ils peuvent tout de même être augmentés. Delaigue propose ainsi de « recréer la dette publique perpétuelle » : « On l’oublie souvent mais les niveaux d’endettement publics actuels n’ont rien d’exceptionnel dans l’histoire depuis la révolution industrielle. La dette publique britannique a dépassé les 100% du PIB pendant l’essentiel du XIXe siècle, et cela n’a pas empêché le pays d’être la première puissance mondiale. La dette française est restée supérieure à 80% durant tout le dernier tiers de ce siècle. Durant cette période, jamais ces pays n’ont connu la moindre crise d’endettement public. A l’époque, 95% de la dette française était perpétuelle, et détenue par les français. C’était la fameuse «rente» décrite dans les romans de l’époque. Cela signifiait verser un capital à l’Etat, et recevoir en contrepartie une rente, parfois à vie, mais le plus souvent, à perpétuité, et que l’on pouvait léguer à ses descendants. A une époque où les produits d’épargne étaient rares, la rente était très demandée : l’une des émissions consécutives à la défaite de 1871 avait été ainsi souscrite par les français à hauteur de 40 fois son montant, près de la moitié du PIB de l’époque. (…)

Il ne serait pas très compliqué de recréer la dette perpétuelle. On pourrait, par exemple, mettre en place des livrets d’épargne dans lesquels chaque Français peut, jusqu’à un maximum de 20 000 euros, placer de l’argent sans possibilité de retrait, qui rapporte un intérêt garanti et défiscalisé (par exemple, 3% de plus que l’inflation) et transmissible à ses descendants. Un tel produit serait plus attrayant (et nettement moins risqué et contraignant) que le placement immobilier (20 000 euros correspondent à peu près, par Français, à la dette publique détenue par les non-résidents). Pour le symbole, on écrirait comme autrefois le nom de chacun des créditeurs au Grand Livre de la Dette Publique.

Certes, cela coûterait plus à l’Etat que la dette publique ne lui coûte aujourd’hui. Mais offrirait en contrepartie des avantages nombreux. Les finances publiques ne seraient plus soumises aux marchés financiers internationaux et autres agences de notation, mais à la capacité des gouvernants à convaincre les français de la solidité des finances publiques et de leurs politiques. Cela accroîtrait le contrôle citoyen sur le budget de l’Etat ; les gouvernements ont toujours été plus soucieux de leurs créanciers que des contribuables. Les Français réaliseraient surtout que la dette publique n’est que de l’argent qu’ils se doivent à eux-mêmes ; et que s’ils veulent préserver leurs enfants du fardeau de la dette, il leur suffit d’y souscrire. »

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