L’IS, abréviation de “impôt sur les sociétés”, est l’impôt sur les bénéfices en France. Comme l’ISF, c’est un impôt peu intelligent en regard des conditions d’un bon impôt. Voici pourquoi :
Tout d’abord, son assiette est mauvaise : taxer les bénéfices des entreprises n’est pas la meilleure chose qui soit car c’est à partir des bénéfices que les entreprises investissent et provisionnent des réserves pour leur croissance future. De plus, taxer les bénéfices des entreprises génère des recettes fiscales très variables, car les bénéfices le sont, selon la conjoncture. Enfin, l’IS sert aussi à distribuer des dividendes, et la France a besoin que davantage d’individus investissent dans les entreprises en achetant des actions, plutôt que de recourir systématiquement à l’endettement. C’est aussi une façon d’encourager l’innovation. Notez qu’une entreprise peut choisir de ne pas distribuer de dividendes, mais elle ne peut pas choisir de ne pas payer ses intérêts : la fiscalité française sur l’IS encourage donc indirectement l’endettement, souvent moins efficace que les mécanismes boursiers pour les entreprises innovantes à fort potentiel.
De plus, les entreprises sont déjà taxés sur leurs produits (TVA), les salaires qu’elles versent (cotisations sociales), les emprunts qu’elles font (taxes sur les intérêts), les plus-values des actions (taxes sur les dividendes), sans parler évidemment des revenus générés (impôt sur le revenu), et de toutes les autres taxes qu’on oublie par souci de simplicité : taxe professionnelle, taxe sur les véhicules de société, taxe sur les primes d’assurance, etc. Quitte à taxer les entreprises, autant améliorer et augmenter les impôts efficaces plutôt que ceux qui pénalisent les investissements.
Surtout, le taux d’IS français est confiscatoire : un tiers des bénéfices (33,33%) sont prélevés mais en réalité, c’est plutôt 35%, comme le montre l’OCDE, car les entreprises qui doivent payer plus de 763 000€ d’IS acquittent en plus une surtaxe de 3,3%, la contribution sociale sur l’IS. Fabrice Houzé, dans La facture des idées reçues (2017), estime quant à lui la pression fiscale sur les bénéfices à 37% en France. Il n’y a pas besoin d’être libertarien pour concevoir que ce taux est exorbitant.
Comme d’habitude en France, il existe de nombreuses façons de réduire son IS (par le crédit d’impôt recherche, notamment) si bien que régulièrement, des articles de presse font scandale en montrant que si les PME payent bien 35%, les multinationales payent moins : plutôt 20%. Même si l’image du CAC40 où l’IS effectif moyen serait de 8% est un mythe, il est par contre vrai que plus les entreprises sont grosses et internationalisées, plus le taux moyen d’IS qu’elles acquittent en France diminue.
Pourquoi baisser l’IS à 20% ? Parce que c’est le taux moyen de l’OCDE (lien). Citons quelques cas : le Japon est à 23, l’Allemagne à 15, le Royaume-Uni à 19, les États-Unis à 35 (mais ils ont beaucoup moins de taxes que la France !). De plus, ces chiffres ne cessent de baisser : partout dans le monde, les taux d’IS baissent, sauf en France. Les gouvernements s’aperçoivent qu’il est plus rationnel de taxer les individus que les entreprises.
On pourrait même envisager de supprimer carrément l’IS, comme y appellent certains économistes. Bien sûr, c’est impossible dans l’immédiat car la France serait immédiatement accusée de dumping fiscal par ses partenaires économiques (ce qui ne serait vrai que si l’on ne faisait aucune autre réforme fiscale en même temps…). Mais à long terme, c’est la solution idéale. A ceux qui rétorquent “mais cela coûterait cher !”, Alexandre Delaigue montre que le coût serait en réalité proche de l’inutile pacte de responsabilité de François Hollande. Pour un résultat bien plus intéressant :
L’économiste Laurence Kotlikoff a récemment simulé l’impact d’une suppression de l’impôt sur les sociétés aux USA, pour constater un impact très positif sur l’investissement et la croissance économique (8 points de PIB supplémentaires à moyen terme). En effet, le capital est très mobile, contrairement au travail et aux individus; et il est très sensible aux écarts de rendement déterminés par la fiscalité. La France se retrouverait d’un coup avec l’impôt le plus bas de l’Union Européenne, deviendrait étant donnée sa position centrale un attracteur massif d’investissements. C’est grâce entre autres à un impôt sur les sociétés bas que l’Irlande a connu un miracle économique.
Supprimer l’impôt sur les bénéfices bénéficie aux salaires, à l’investissement, à l’emploi, et supprime les distorsions créées par les techniques d’évasion fiscale des entreprises, selon Kotlikoff; en particulier, les multinationales qui restent assises sur des montagnes d’argent inutilisées parce qu’elles ont bloqué leurs bénéfices dans les paradis fiscaux (comme Apple) seraient alors incitées à réinvestir.
Alexandre Delaigue