Dans ce texte de 2008[1], Marion Cochard, économiste à l’OFCE[2], cherche à déterminer les facteurs qui expliquent la dégradation du commerce extérieur de la France.
L’économiste fait tout d’abord un constat, sur lequel repose l’analyse : le déficit commercial français atteint aujourd’hui un niveau historique. Au cours des 15 dernières années, la France a perdu près de 15% de ses parts de marché à l’exportation. Le déficit de la balance extérieure française « n’a cessé de se dégrader depuis 2002 pour atteindre 36,2 milliards d’euros en 2007, soit 1,9 point de PIB ». Comment expliquer cette dégradation, alors que l’Allemagne, elle, signe dans le même temps son retour en force dans le commerce international ?
En comparant l’Allemagne et la France, nous examinerons tout d’abord les raisons structurelles à ce creusement du déficit : pourquoi l’Allemagne s’en tire mieux que nous ? Nous verrons ensuite les raisons conjoncturelles, constatant, dans un contexte de montée en puissance des pays émergents et de cherté des matières premières, que le creusement du déficit commercial n’est propre à la France : tous les pays européens connaissent la même dégradation. A ce titre, c’est moins la France que l’Allemagne qui fait figure d’exception. Enfin, nous nous interrogerons sur la gravité de cet état de fait. La France perd des parts de marché : c’est grave, docteur ?
Comparer l’Allemagne et la France pour dégager des faiblesses structurelles du commerce extérieur de cette dernière est possible dans la mesure où la France et l’Allemagne ont des spécialisations géographiques proches, des taux de demandes adressées équivalents, une dépendance énergétique similaire et des taux de pénétration des produits étrangers dans la demande intérieure quasiment identiques. Marion Cochard explique ainsi que « les deux pays réalisent le gros de leurs exportations dans la chimie, les biens mécaniques et d’équipement et les biens de transport ».
Comment alors expliquer la différence significative de résultats entre l’Allemagne et la France ?
La France a tout d’abord un profil plus « généraliste » — elle exporte par exemple aussi bien des biens mécaniques que de l’agroalimentaire — là où l’Allemagne dispose d’avantages comparatifs extrêmement marqués dans un certain nombre de domaines précis, et notamment les biens d’équipement (en particulier les voitures individuelles), dont sont très demandeurs les pays émergents. Cette moindre spécialisation de la France est pénalisante dans la mesure où elle ne parvient pas à concurrencer l’Allemagne sur son terrain. Les études d’importateurs (COE-Rexecode 2006) montrent ainsi une perte d’image des produits français : les produits allemands sont perçus comme significativement meilleurs (en qualité, en contenu innovant) que ces derniers.
Par ailleurs, si la France, comme l’Allemagne, exporte beaucoup de haute technologie, elle est cette fois trop spécialisée (essentiellement sur l’aéronautique), ce qui laisse le champ libre à la concurrence allemande et surtout américaine dans ce secteur en très forte croissance.
Ces analyses sont confirmées par la faiblesse relative de la Recherche-Développement française, tant privée que publique. « L’intensité des dépenses de recherche et développement françaises se situe au 9ème rang de l’OCDE et ont régulièrement baissé au cours des dernières années, passant de 2,29% à 2,16% du PIB entre 1995 et 2004. » (page 49-50). L’Allemagne voyait dans le même temps ces mêmes dépenses augmenter, de 2,19 à 2,49% du PIB.
Enfin, il faut noter que l’Allemagne a engagé depuis les années 2000 (gouvernement Schröder) une vigoureuse politique de désinflation compétitive, essentiellement à base de compressions de coûts salariaux (il n’y a par exemple pas de salaire minimum en Allemagne), de réforme du marché du travail et de stratégie à l’exportation (au détriment de la demande intérieure). Cette stratégie, que la France n’a pas engagée de la même manière, explique pour une large part la réussite allemande, montrant, par contraste, les points de faiblesse de la France.
Il est néanmoins intéressant de constater que la France, malgré la stratégie allemande, a maintenu un écart de compétitivité-prix inférieur à 1% par rapport à l’Allemagne sur la période, grâce à la hausse continue de la productivité française — une des meilleures au monde — et un effort de la part des exportateurs qui ont vu leurs marges diminuer de 17% de plus que l’Allemagne. Autrement dit, malgré des coûts supérieurs à la France (et donc une moindre compétitivité-coût, en raison notamment du coût du travail qui a progressé de 10% de plus en France qu’en Allemagne sur la période), la France a maintenu sa compétitivité-prix grâce au progrès de la productivité et une baisse des marges à l’export.
Notons cependant que ce calcul d’écart de compétitivité-prix entre la France et l’Allemagne est probablement faussé par la montée en gamme plus importante des produits allemands, qui se traduit forcément par une perte de compétitivité-prix, sans préjudice du volume des exportations et du niveau des parts de marché. La compétitivité-prix est rarement le seul facteur qui explique les gains de part de marché d’un pays! Entrent aussi en ligne de compte la qualité, l’innovation, les services associés au produit, l’image…autrement dit tout ce que l’on appelle la « compétitivité hors-prix », qui explique que même avec une compétitivité-prix équivalente, la France est loin derrière l’Allemagne. On peut également se poser la question : jusqu’à quand la productivité française se maintiendra-t-elle, alors que la compression des marges peut laisser augurer une chute de l’investissement dans ce secteur ?
Il ne faudrait pas croire cependant qu’une comparaison avec l’Allemagne, qui fait figure d’exception dans un paysage commercial européen atone, suffise à expliquer le creusement du déficit commercial de la France depuis 2000. Au contraire, l’auteur affirme que ces constats n’expliquent pas 90% de la contre-performance française. Il y a des causes conjoncturelles.
On remarque tout d’abord que la France n’est pas seule dans son cas : tant l’Italie que l’Espagne ou le Royaume-Uni connaissent des défaillances de la balance commerciale et des chutes des parts de marché ces dernières années.
Il y a là une logique toute mécanique : dans un contexte de montée en puissance des économies émergentes, que les pays développés perdent relativement des parts de marché est on ne peut plus mathématiques (rappelons que la balance commerciale mondiale, contrairement aux échanges, est un jeu à sommes nulles : à tout excédent commercial d’un pays correspond un déficit commercial d’un autre). Ce constat explique sans doute la majorité des pertes de part de marché des économies développées.
On voit bien ici ce qu’un hypothétique « pacte de compétitivité européen », un joli mot pour dire « harmonisation sociale vers le bas » a d’idiot, vu les divergences de situations à l’intérieur de l’Europe. On peut au contraire pressentir un rééquilibrage de la balance commerciale du monde dans les années à venir: les Français et les Américains vont exporter plus, tandis que les Chinois et les Allemands devront développer leur demande intérieure.
Pour ce qui concerne plus spécifiquement le déficit de la balance commerciale française, Marion Cochard met en avant plusieurs éléments majeurs : en premier lieu, l’explosion de la facture énergétique, principalement le pétrole. Le baril de brent a ainsi doublé entre 2002 et 2006 : l’économiste estime ainsi que la facture énergétique est responsable de pas moins de 50% du creusement du solde commercial français de 2002 à 2007. Les données de l’INSEE montrent que le solde de commercial hors énergie, en 2008, est inférieur de 10 points (respectivement 0 et -10%) au solde commercial !
Par ailleurs, la question de l’euro n’est pas à négliger. En matière de commerce extérieur, une monnaie forte a un double effet sur le solde commercial : elle rend les importations moins chères, ce qui peut soit jouer en faveur du solde commercial (il faut dépenser moins pour la même quantité de produits importés, ce qui réduit le montant des importations et donc rééquilibre la balance commerciale) ou en sa défaveur (des importations moins chères sont une incitation à importer plus dans un contexte, comme c’est le cas en France, de demande intérieure dynamique), tandis qu’elle rend les exportations plus chères (ce qui pénalise évidemment le solde commercial).
L’euro ayant cru de 35% depuis 2001 (de 50% par rapport au dollar), il a fortement handicapé le commerce extérieur français. On sait bien que la Chine exerce un fort contrôle sur le taux de change de sa monnaie, essentielle pour favoriser ses exportations — c’est le grand sujet de discorde entre Hu Jintao et Barack Obama. Si cette question n’est donc pas à négliger, il ne faudrait cependant pas tout justifier par la valeur de la monnaie : elle n’explique pas tout, puisque l’Allemagne s’en sort bien mieux avec la même monnaie que la France.
Nous avons ici les principales explications du recul de la France dans le commerce mondial : manque de spécialisation industrielle, qui se traduit par des produits par toujours adaptés à la demande des pays émergents, concurrence avec le reste de l’Europe et notamment l’Allemagne, dont la stratégie de désinflation compétitive est difficilement adaptable en l’état à la France — notamment en raison d’une vision beaucoup plus conflictuelle des rapports de travail en France qu’en Allemagne — euro fort, montée du prix des matières premières.
Il y a cependant un élément que nous n’avons pas abordé et qui me permet de terminer par une interrogation : le recul de la France dans le commerce mondial est-il grave ?
Sans inculper aucunement sous ce vocable Marion Cochard, il y a un certain agacement à voir signer parfois le retour des néomercantilistes dans le débat public, qui pensent tout expliquer par la balance commerciale. Or, le niveau de la balance commerciale en soi ne veut rien dire sur l’état économique d’un pays. Les États-Unis ont une balance commerciale structurellement déficitaire, ce qui ne les empêche pas d’être (toujours) l’économie la plus puissante du monde.
L’économiste Alexandre Delaigue expliquait ainsi :
« Supposons que l’année prochaine le taux de chômage en France soit divisé par deux et atteigne 5%. D’après la loi d’Okun, cela générerait pour l’année 2005 un taux de croissance de l’ordre de 12%. La majorité des gens verraient là un indicateur incroyablement positif pour l’économie française. Mais pour le commerce extérieur, ce ne serait pas une bonne chose : la croissance du revenu conduirait les français à acheter plus de produits importés, mais les étrangers ne connaîtraient pas la même hausse de demande de produits français, ce qui aboutirait à une plongée du solde commercial français. Le solde négatif serait dans ce cas un indicateur de très bonne performance économique française. A l’inverse, supposons un pays connaissant une crise de change : la plongée de la monnaie nationale provoquerait dans un premier temps un déficit commercial puis un excédent commercial (c’est la courbe en J). En bref, le solde commercial, loin d’être un « bon indicateur » des forces et faiblesses d’une économie, n’a aucune signification en la matière. »
On voit bien qu’isolé d’autres variables, il est difficile de porter un jugement de valeur (bonne chose ? mauvaise chose ?) sur le creusement du déficit commercial de la France depuis 2000. En soi, les exportations ne servent à rien, sinon à accumuler des devises qui permettent de consommer… des produits importés (ou d’investir pour les produire chez soi ou chez les autres, ce qui revient au même).
A ce titre, un élément abordé par Marion Cochard, à savoir le dynamisme de la demande intérieure française, laisse planer le doute. Si ce dynamisme a forcément joué en défaveur de la balance commerciale française, on peut considérer qu’il s’agit d’une bonne chose : une demande intérieure dynamique tire la croissance vers le haut et est révélatrice d’un pays où les inégalités sont plutôt faibles. A contrario, l’Allemagne, avec ses bons résultats à l’export, a une demande intérieure en berne, et voit ses inégalités s’aggraver.
Le taux de pauvreté dans l’emploi a ainsi explosé en Allemagne, passant de 4,8% en 2005 à 7,1% en 2009 (de 6,1% à 6,8% en France pendant la même période). L’Allemagne avait également un coefficient de Gini égal à 0.25 en 1999 contre 0.28 en France, et en 2009, ce coefficient est passé à 0.302, contre 0.281 en France. Dans le même temps, le rapport entre les 20% les plus riches et les 20% les plus pauvres est passé de 3,8 à 4,8 tandis qu’il ne passait que de 4 à 4,2 en France.
Ceci pour conclure, à l’instar de Marion Cochard (page 61), que « la question de la compétitivité française doit être pensée comme un moyen d’accroître le niveau de vie national et non comme un but en soi ».
Car ce qui est important, finalement, ce n’est pas le déficit en soi, mais plutôt ce qu’il révèle: une faiblesse du tissu industrielle par exemple, signe d’une incapacité à produire chez soi ce qu’on importe massivement.
s’il est vrai que l’Allemagne a fait baisser ses salaires, il est important de souligner que malgré tout, le niveau de vie de l’Allemand est supérieur au français.
http://epp.eurostat.ec.europa.eu/tgm/table.do?tab=table&init=1&language=fr&pcode=tsieb010&plugin=1
Ensuite, se demander si oui ou non le déficit de balance est une bonne chose. Sur un marché libre, oui. Mais actuellement, il n’y a pas de marché libre. Il y a des pays qui manipulent leur devise ou utilisent d’autres formes de protectionnisme tendent alors à générer du déficit dans les autre pays. La Chine et le Japon accumulent des réserves de changes en achetant des dollars et des euros qui entrent sur leur territoire… en créant de la monnaie. Cela conduit à maintenir une monnaie faible et des produits d’export bon marché, tandis que les pays asiatiques subissent l’inflation, et connaissent les bulles économiques. Les réserves de change ne sont pas évidemment pas stériles : les états européens et américains rachètent leur propre monnaie avec des T-Bonds, ce qui signifie que nous consommons pas cher en s’endettant. Ce n’est pas un problème; nous rembourserons plus tard grâce aux fruits de la croissance. En fait, ce qui est réellement problématique, c’est l’inflation des pays qui dévaluent leur monnaie en accumulant les réserves de change.
J’oubliais. Vous n’avez pas expliqué pourquoi la France manque de spécialisation. Je pense que l’on peut directement l’imputer à son faible tissu de PME. Ce sont elles qui forment les innovations de demain, or on préfère subventionner les champions nationaux. Ce n’est pas à dire qu’il faille forcément subventionner les PME. Mais il faut comprendre que du fait qu’elles supportent des coûts fixes par diverses réglementations, celles-ci pèsent plus lourdement sur les petites entreprises que les grandes.
Vous pensez vraiment que l’innovation vient principalement des PME? Spontanément et dans une logique schumpétériene, j’aurais eu tendance à croire que c’est plutôt des grandes entreprises qu’elle provient… qui ont plus de moyens. (et merci pour la précision sur l’Allemagne)
Tout à fait. C’est également l’idée évoquée dans le « Grand méchant marché » de Landier et Thesmar, même si je le savais depuis longtemps déjà. Les petites entreprises ont les plus fortes perspectives de croissance, les plus forts besoins en investissements, pas les grandes entreprises qui elles paient des dividendes aux actionnaires. Ces dividendes sont réinjectées dans les petites entreprises pour leur croissance. Bien sûr, avec les taxes sur les gains en capital, c’est différent. On prend moins de risques, les « investisseurs » investissent donc moins.
Et sinon, sur l’Allemagne, je me rappelle d’une discussion que j’ai eu autrefois. Mon interlocuteur me disait « où vois-tu une baisse des salaires allemands quand dans le même temps leur niveau de vie dépasse celui des français ? ». A première vue ça parait contradictoire mais l’un n’empêche pas l’autre. Cela veut dire que l’économie allemande, bien que frappée par le gel des salaires, est plus prospère que l’économie française en terme de richesses par habitant. Quand on voit le degré de liberté économique entre la France et l’Allemagne, je ne peux pas m’empêcher de penser que la plus grande richesse de l’Allemagne malgré le gel des salaires peut être imputée à la liberté économique, justement.
Le classement de l’Allemagne dans l’indice de liberté économique est 23ème quand la France est… 64ème.
http://www.heritage.org/Index/ranking
Vous vous doutez que je ne suis pas tellement d’accord avec vous sur la corrélation liberté économique/richesse. Je note pas exemple que le Bahrein est 10ème dans votre liste: cela ne l’empêche pas d’avoir un taux de chômage des jeunes supérieur à 15%. Et puis bon la heritage foundation, qui cumule l’ultralibéralisme économique et l’ultraconservatisme sociétal, soit l’exact contraire de mes idées (pour le premier il faut voir leurs délires sur le health care: http://www.heritage.org/Initiatives/Health-Care) et pour le second sur l’American Leadership (http://www.heritage.org/Initiatives/American-Leadership), mouais… On notera aussi qu’ils sont de grands soutiens de toutes les dictatures du monde tant qu’elles ne sont pas communistes. Mais passons.
En revanche, sur l’investissement des PME, notre débat est idiot car il est facile à trancher par les chiffres: j’imagine qu’on doit bien pouvoir trouver la part de la R&D dans les PME en France et en Allemagne… je chercherai.
Vous versez dans l’ad hominem. Avouez que ce n’est pas très probant.
Sinon, comment expliquez vous cet écart ? Peut-être en considérant que l’éducation en Allemagne est plus performante que la France ? Peu probable. La France forme de très bons diplômés aussi. Le problème qui existe en France est l’inégalité sociale en terme de réussite scolaire. Mais cette inégalité de réussite est encore plus prononcée en Allemagne.
Les taxations excessives en France ne laissent pas la part belle à l’entrepreneuriat.
Sur les PME, les grandes entreprises n’ont pas beaucoup de perspectives de croissance comparé aux petites entreprises. Le Grand méchant marché me convainc encore plus dans cette idée.
Ad hominem… oui un peu. Mais je dois dire que j’ai vraiment du mal avec ce genre de think thank américain tant j’ai du mal à comprendre que l’on puisse être à la fois conservateur et libéral, tant cela me paraît antinomique (mais passons encore une fois, ce n’est pas le sujet).
Sinon pour l’Allemagne, j’expliquerai cela par la grande différence dans les relations du travail en Allemagne et en France: consensus et sens du compromis d’un côté, grève « à priori » et conflit de l’autre.
C’est absolument impossible à mesurer mais je suis sûr que c’est un des éléments peu analysés qui a joué un grand rôle dans la réussite allemande. Après, je suppute…
Ah oui, pour le Bahrein, il a peut-être un chômage élevé, je ne sais pas. Mais je croyais m’être souvenu voir avoir pourtant dit que le chômage peut être dû à une asymétrie entre l’offre de diplôme et la demande de diplôme. Et puis, vous noterez aussi que les pays nordiques comme le Danemark et la Finlande payent beaucoup de taxes et les dépenses publiques sont élevées. C’est une cause de mauvaises performances, mais une autre cause de mauvaises performances c’est la réglementation. La Finlande par exemple a un très bon système scolaire, et bien que ses écoles sont publiques, elles ne sont pas réglementées du tout. Elles sont au contraire très autonomes. Au contraire de la France qui injecte beaucoup d’argent mais est beaucoup moins performants. Et à mon avis parce que le système scolaire français est exagérément communiste. Je ne crois pas que ce soient les écoles publiques qui soient plus performantes, c’est l’autonomie scolaire qui fait toute la différence.
Donc, en France, comme dans les pays nordiques, on a comme eux de lourdes taxes, mais on est en plus lourdement réglementé.
je vous rejoins assez sur l’école: bien que je ne crois pas que l’école publique soit moins efficace (il ne faut jamais avoir mis les pieds dans une fac pour l’affirmer: en ce qui me concerne j’ai pu aller à la fois en école de commerce et en fac et je n’ai presque jamais été déçu par la qualité des cours en fac, contrairement à l’école), il est certain que la « rigidité bureaucratique » qui imprègne l’école ne joue pas en faveur de son efficacité (peu de place à l’initiative dans la grosse machine education nationale, même si cela change).
Sinon on ne va pas refaire un débat sur le chômage, j’ai pris le Barhein et son taux de chômage mais j’aurais pu prendre n’importe quel exemple, c’était simplement histoire de dire que le classement de l’heritage fondation ne veut rien dire en soi.
On ne peut pas en conclure, puisque l’Allemagne a mieux réussi que la France sur certains points et qu’elle est devant dans ce classement, qu’il y a corrélation: c’est cette corrélation qu’il faudrait prouver (comment?)
Et puis, ce n’est pas tellement la question. Il n’est guère contestable qu’un pays exessivement dirigiste (voire communiste) est moins créateur de richesse qu’un pays plus libre (ceteris paribus). je m’intéresse plutot à la redistribution juste et efficace de cette richesse.
Mais ne tapons pas trop sur la France: elle s’en sort encore pas mal.
Au fait, avez-vous les chiffres innovation/PME? ça doit bien se trouver.
http://rea.revues.org/index585.html
http://rea.revues.org/index198.html
Que les PME tirent la croissance allemande vers le haut n’a rien d’étonnant quand on sait que du fait des gains de productivité, les grandes entreprises licencient à tour de bras, ce processus de destruction créatrice jouent un rôle clé dans la création de nouveaux emplois, et donc de nouveaux débouchés, et donc de l’innovation.
Je ne nie pas les problèmes que rencontrent les PME dans le financement, mais c’est bien pour ça que certaines régulations et taxes pèsent plus lourds sur les petites entreprises que les grandes.
Je vous renvoie de nouveau à cet article de Bernard Zimmern. (je sais, c’est Bastiat.org, mais mieux juger le contenu pour l’apprécier à sa juste valeur.)
http://bastiat.net/fr/cercle/rencontres/2000-1.html
Rigidité du marché du travail français, et souplesse du marché allemand, voilà ce qui explique la divergence de compétitivité entre les deux économies.
http://www.coe-rexecode.fr/public/Analyses-et-previsions/Etudes/Mettre-un-terme-a-la-divergence-de-competitivite-entre-la-France-et-l-Allemagne/Relation-de-travail-et-compromis-social-les-lecons-du-modele-allemand
http://www.coe-rexecode.fr/public/Analyses-et-previsions/Etudes/Mettre-un-terme-a-la-divergence-de-competitivite-entre-la-France-et-l-Allemagne/Le-cout-du-travail-a-augmente-plus-rapidement-en-France-qu-en-Allemagne
Si les salaires réels allemands sont restés inchangés ces dernières années, ce n’est pas le cas des autres pays de l’euro (france inclus) qui ont augmenté. Il me semble d’ailleurs que la flexibilité des horaires allemands permettent aux entreprises d’adapter les heures de travail en fonction des heures de pointes et des heures creuses.
Rappelons quand même que la notion de compétitivité mondiale est très dangereuse (et surtout très fausse) car elle fait fi des avantages comparatifs, ce sur quoi repose en réalité le commerce mondial. Même s’il est vrai toutefois que la différence de « compétitivité » (si tant est que ce mot ait un sens) france-allemagne ne s’explique pas uniquement par des lacunes dans la spécialisation.
Bon article, merci!
J’abonde dans le sens de MH concernant le débat Grandes Entreprises vs PME. Je suis même assez surpris que l’on puisse encore penser que ce sont les grandes entreprises qui innovent le plus…
En la matière, il ne faut pas raisonner qu’en termes de budget de R&D. L’organisation, les processus interne, la diversité dans l’entreprise y sont aussi pour beaucoup. Avec moins de moyens, mais une organisation plus transversale et flexible, les PME peuvent faire beaucoup mieux que dans les grandes tour de la défense.
Les PME sont celles qui créent le plus d’emploi et de richesses en France. Mais bon tout le monde s’en fout parmi les politiques, car les caméras de télé ne s’intéressent pas aux PME locales. Par contre, quand un ministre va « sauver » les emplois d’un « fleuron français » menacé de délocalisation c’est autre chose…
Je suis désolé de me répéter, mais il ne s’agit en rien d’un débat. Savoir si les PME innovent plus ne se déduit pas d’un débat théorique mais se vérifie d’une analyse empirique. Or, comment mesurer l’innovation? C’est compliqué. Dépenses de R&D, nombre de chercheurs? Posons par exemple le nombre de brevets déposés.
Eh bien, les chiffres vous contredisent. http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=NATTEF09511
Non mais c’est pareil avec les brevets. Ca coute cher et c’est long de déposer un brevet. Les grandes entreprises sont beaucoup mieux armées pour cela. C’est d’ailleurs bien connu que les budgets des services juridiques de Microsoft et Apple sont plus élevés que leurs budget r&d.
Ces grandes entreprises déposent des brevets par milliers juste pour intimider la concurrence et se bloquer le marché. On appelle même ça le « patent troll ».
De là à prouver que les PME innovent plus, je ne le dis pas et je n’ai rien sous la main pour le prouver. Toujours est-il qu’à mon avis, ce n’est pas des grandes entreprises qu’il faut attendre quoique ce soit aujourd’hui, mais plutot des PME.
Vianney, juste pour dire, à propos des brevets.
Cliquer pour accéder à imbookfinalall.pdf
Ce bouquin montre justement que les brevets ne sont pas liés de près ou de loin à l’innovation. C’est même complètement l’inverse.
Je ne peux pas lire tous les bouquins du monde. C’est bien de citer des références mais vous y allez un peu fort –bientôt: « plus on dépose de brevet, moins on innove » c’est ça?: si l’innovation n’est expliquée ni par les dépôts de brevets, ni par les dépenses de R&D, ni par le nombre de chercheurs, j’aimerais bien que vous me disiez ce qui explique selon vous l’innovation (empiriquement, hein).
Donc: j’attends la preuve EMPIRIQUE (INSEE, de préférence) que les PME innovent plus.
(au passage cette question n’a que peu de choses à voir avec l’article initial, mais passons)
(et je précise que je ne suis pas du tout fermé à l’idée que les PME innovent plus, qui a sa logique comme vous l’avez expliqué, j’en attends juste la preuve empirique, qui est la seule chose qui m’intéresse ici).
J’ai parcouru mes archives, mais j’ai hésité à poster. Je me suis dit que c’était mieux que rien, alors je suis revenu. Les données étaient légères, mais essentiellement de Acs et Audretsch (à la limite, vous pourrez chercher sur google).
Sur un des docs que j’ai sur mon PC :
In a series of studies, Acs and Audretsch (1987, 1988, 1990) found that while large firms in manufacturing introduced a slightly greater number of significant new innovations than entrepreneurial small firms, small-firm employment was only about half as great as large-firm employment, yielding an average small-firm innovation rate in manufacturing of 0.309, compared to a large-firm innovation rate of 0.202.
En 1982, l’innovation rate était de 0.322 et 0.222 respectivement. (aux U.S.)
Les auteurs précisent quand même que les innovations diffèrent selon les secteurs. Les grandes innovent plus dans l’avion et le pneu alors que les petites sont plus performantes sur les PCs, le caoutchouc…
Plus important, ils notent que les petites et grandes entreprises ont chacune des faiblesses : par exemple, les petites ont moins de fonds propres, donc les initiatives deviennent risquées, alors que les grandes sont bridées par la bureaucratie etc.
De façon générale, je crois que les petites entreprises sont plus désavantagées du fait qu’elles n’ont pas le pouvoir financier pour corrompre les gouvernements et dicter les lois. En outre, de multiples réglementations en normes d’hygiènes et de sécurité de haut niveau représentent des coûts fixes évidemment plus lourds pour les petites que les grandes.
Peut-être allez vous considérer que je me focalise trop sur les PMEs. Pas du tout. Je sais que ça ne réglera pas tout le problème, puisque c’est le gel des salaires qui porte le plus atteinte au déficit commercial français.
Est-ce qu’on doit imiter l’Allemagne ? J’ai un avis mitigé. Les allemands vivent mieux que les français. Mais après coût, je me dis que c’est peut-être parce que le marché du logement français est extrêmement réglementé et donc que le poids du loyer pèsent sur les salaires (je sais, il faut aussi comparer les aides au logements etc). Et de toute façon, on ne pourrait que prendre des parts sur l’Allemagne, alors…
[Hors-sujet]
A propos des brevets, le livre explique qu’ils génèrent des coûts fixes absolument colossaux. Je ne suis donc pas étonné que les grandes entreprises déposent au final plus de brevets : c’est même assez logique si l’on accepte que les coûts fixes pèsent proportionnellement moins au fur et à mesure de la taille de la firme. Dans les années 1990, les auteurs notent que le nombre des brevets a triplé… sans changements notables dans la prospérité et l’innovation.
Le bouquin par exemple, à propos de l’industrie de la musique (chapitre 5 pag), , explique que :
The allegedly large fixed cost to be recouped via monopoly profits is not due to the actual economic cost of producing and distributing the music, which modern technology has cut to a fraction of what it used to be. The large fixed cost that needs to be recouped via monopoly profits seems to be due to the … very existence of the system of copyright and large monopolies thriving on it. From there come the legal, agency and marketing costs contemporary monopolized music faces, and passes on to consumers.
Que ça ne vous plaise pas au point que ça en vous énerve, d’accord. Mais balancer gratuitement « vous y allez un peu fort » sans l’avoir même feuilleté, voilà qui est anti-scientifique. Ce n’est pas seulement un livre d’économie, c’est aussi un livre d’histoire. Je persiste à croire que la théorie qui veut qu’en l’absence de brevet, il n’y ait pas d’innovation, doit être sérieusement révisée. Elle ne semble pas confirmée par les faits. Tant mieux. Cela forcera certains économistes à descendre de leur tour d’ivoire.
[Hors-sujet/]
(encore désolé pour le retard – et la longueur du post – j’hésitais réellement à poster…)
P.S. dernier hors-sujet avant que je ne disparaisse. A propos des brevets, vous pouvez lire cet intéressant témoignage :
http://online.wsj.com/article/SB10001424052748704364004576132551961574910.html
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Quels étaient les excédents entre 1990 et 2000 ? Les ventes d’armes ?