Le vrai budget de l’Education nationale

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Le budget de l’Education nationale est de loin le premier budget de l’Etat : 85 milliards d’euros/an, au-dessus de la moyenne de l’OCDE en pourcentage du PIB. Comment expliquer que les profs se plaignent constamment d’un « manque de moyens » ? La réponse de ce décalage entre les moyens alloués et les résultats est toujours la même : les retraites, les retraites, les retraites.

1- Le système de retraite du public est gravement en déficit. Avant d’accuser trop rapidement la gabegie de l’Etat, il faut se rappeler qu’une des causes est au contraire le désengagement de l’Etat dans un certain nombre de secteurs. Le changement de statut ou la privatisation de grandes entreprises autrefois publiques ont réduit le nombre de cotisants au régime public. L’exemple évident est celui d’entreprises géantes aux dizaines de milliers de salariés comme La Poste, EDF ou France Télécom. Qu’elles aient été privatisées ou qu’elles soient restées 100% publiques, ces entreprises ont toutes changé de statut de sorte que leurs salariés cotisent désormais au régime général du privé.

Parallèlement, l’emploi public a diminué. L’affirmation peut étonner alors que le nombre de fonctionnaires n’a fait que croître : c’est parce qu’il faut comparer en pourcentage de l’emploi total, puisque la population augmente. On est donc passé d’un pic de 24% de l’emploi total dans les années 2010 à 22% aujourd’hui. La chute est plus marquée si on exclut la fonction publique territoriale, grande pourvoyeuse d’embauches ces dernières années.

En définitive, l’Etat doit continuer d’assurer les retraites de centaines de milliers d’ex-salariés de la fonction publique, mais a perdu bon nombre de cotisants. Ce qui induit un énorme déficit.

2- Ce déficit est compensé par une subvention massive de l’Etat au régime du public. Cette subvention a une forme comptable étrange : primo, elle prend la forme d’une surcotisation artificielle pour les fonctionnaires en poste : au lieu de cotiser à 17% comme tout employeur du privé, l’Etat cotise à 75% pour les fonctionnaires. Deuxio, elle est comptabilisée dans le budget du ministère concerné.

En fait, cette subvention est tout simplement une dépense budgétaire. Il faut comprendre que les fonctionnaires de l’Etat n’ont pas de réel régime de retraite : les cotisations qu’ils paient sont des fictions administratives, qui servent à matérialiser le fait qu’il s’agit d’un droit acquis en contrepartie du travail et pas d’une simple aide sociale. Le montant de ces cotisations alimente le budget « pensions  » de l’Etat, mais celui-ci compensera dans tous les cas le déficit par des dépenses supplémentaires prélevées sur les impôts. Autrement dit, il n’y a pas de véritable caisse indépendante qui cherche à équilibrer dépenses et recettes. L’Etat verse une subvention pour payer les retraites de ses fonctionnaires retraités et l’affiche sous forme de surcotisation pour obtenir le coût des retraites du public et le comparer avec celui du privé. Le problème est que chaque ligne budgétaire des dépenses de pension est affectée dans le budget du ministère concerné.

3- En conséquence, la dépense publique réellement allouée à l’Education nationale est surestimée d’au moins 10% selon l’Institut des politiques publiques (IPP) −15 à 20% selon d’autres estimations. Autrement dit, une part conséquente du budget de l’Education nationale ne sert pas à payer des enseignants ou entretenir des écoles mais à payer les retraites des anciens enseignants. L’Etat doit évidemment payer les retraites dues, là n’est pas la question ; mais la forme comptable prise par ce paiement est absurde puisqu’elle conduit à surestimer gravement le budget réellement consacré à éduquer nos enfants.

Et c’est pareil pour tous les budgets de la Nation.

4- Le budget français de l’Education nationale se caractérise aussi, par rapport aux autres pays, par des moyens plus importants accordés pour le secondaire, mais beaucoup plus faibles pour le primaire. Si globalement les professeurs sont moins bien payés en France que dans la plupart des pays comparables (voir ici), c’est particulièrement flagrant pour les professeurs des écoles : 15% de moins en moyenne que l’OCDE pour un nombre d’heures de cours parmi les plus élevés. Comme je l’avais déjà écrit, ce n’est pas un scandale que la France paie moins ses profs que l’Allemagne, un pays dont le PIB est 40% plus élevé que la France. Mais c’est incroyable qu’elle les paient moins que l’Espagne ou le Portugal, 30% moins riches que nous. C’est terrible, parce que le primaire est le creuset de tous les retards d’apprentissage et toutes les inégalités sociales qui seront très difficiles à rattraper ensuite.

Il y a en revanche des domaines où la France dépense bien plus que les autres. Ainsi, le budget de l’Education nationale se caractérise par des dépenses deux fois plus importantes que l’OCDE pour les services annexes : internat, transport, restauration… Ces services sont évidemment utiles, mais ils ne participent pas directement à l’éducation des enfants.

Au final, il est plus juste de dire que la France dépense moyennement pour son éducation, et a des résultats moyens. Bien entendu, les résultats −eux-mêmes complexes à évaluer− d’un système éducatif complet ne se réduisent pas au budget qu’on y met. Mais enfin, c’est quand même le nerf de la guerre.

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