France, 2025 : l’effarement.

J’ai rarement été aussi effaré d’un moment politique.

L’état socioéconomique du pays est préoccupant pour pratiquement tous les indicateurs qu’on peut mesurer. Dans l’OCDE, la France a la cinquième plus grosse dette publique, le premier taux de prélèvements obligatoires, le premier taux de dépenses publiques, et pourtant les services publics n’ont jamais semblé aussi peu dotés, les inégalités augmentent, le pouvoir d’achat est en berne, le taux de pauvreté a atteint en 2025 un niveau qu’on n’avait pas vu depuis 1996. L’Etat français dépense plus d’argent public que tout autre pays de l’OCDE mais ses institutrices gagnent toujours 20% de moins que ces mêmes pays.

Aucun syndicat, aucun parti politique ne prend la mesure du problème colossal posé par un système de retraite parfaitement insoutenable qui pompe un quart de toutes les dépenses publiques, dans un contexte de croissance faible, de natalité qui s’effondre et d’une population âgée qui dès 2030, représentera 30% de la population française.

Le système de redistribution-subvention a pris depuis des décennies des proportions gigantesques, kafkaïennes, si bien que plus personne n’est en mesure de dire vraiment qui touche quoi, qui paie quoi et pour quelle raison. La fiscalité est écrasante mais on compte des centaines de niches fiscales. Tout est si complexe et bureaucratisé à l’extrême que la Cour des comptes refuse depuis plusieurs années de certifier la branche famille de la Sécurité sociale, les erreurs s’y comptant en milliards chaque année.

C’est bien plus profond qu’une « simple » question de déficit public : c’est la nature même du lien social entre les citoyens dans leur rapport à cet immense pot commun qu’est l’Etat qui est altéré. Le principe révolutionnaire « à revenu égal, impôt égal », qui avait fondé l’abolition des privilèges de la noblesse, est oublié depuis longtemps. Alors même que ce pot commun n’a jamais été aussi crucial pour financer des dépenses collectives comme la défense ou la transition énergétique.

Pendant ce temps, que fait la classe politique ? Le forcené qui trône depuis 2017 prétend s’accrocher et à son poste et à sa ligne politique alors qu’il a subi une défaite cuisante à des élections qu’il avait lui-même provoquées par pur hubris politique. Dirigeant pour tout mais responsable de rien alors que la Constitution lui enjoint d’être le garant de la stabilité des institutions, arrogant au point d’avoir sérieusement pensé être réélu sans même tenter de faire campagne, il a plongé le pays dans une crise politique sans précédent depuis la crise algérienne de 1958. Cela laissera des traces profondes, en plus de coûter des milliards à la France.

A gauche comme à droite, les oppositions sont tiraillées entre des vieux partis sans leadership qui n’ont rien de nouveau à proposer, et la détermination conquérante des radicaux dont les solutions sont bien pires que le problème. Aucun ne veut vraiment construire un projet commun. Tous ne pensent qu’à 2027. La presque septuagénaire Vème République, qui prétend être un régime parlementaire tout en assurant au chef de l’Etat une légitimité et un pouvoir politique qu’il n’a dans aucun autre régime parlementaire, a décidément bien mal vieilli. La confiance des Français dans leur système politique et dans la probité de leur élites atteint des niveaux épouvantables, ce qui est toujours un terreau favorable pour l’autoritarisme.

J’ai rarement été aussi effaré d’un moment politique.

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