Louer ou acheter ?

Suite à la lecture du très bon article d’Arnaud Parienty et une discussion avec des amis, je me suis livré à une petite modélisation Excel pour (tenter de) comparer rigoureusement les avantages respectifs de la location/achat dans l’immobilier. La simulation se déroule sur 30 ans.

Je suis parti des paramètres suivants :

1. Situation du ménage

Un couple gagnant 3200€ net mensuel et en épargnant 1200, soit 37,5%. C’est un jeune couple, comme la plupart des personnes qui se demandent s’il faut mieux rester locataire ou acheter. Ils ont donc peu ou pas d’enfants et un haut taux d’épargne potentiel.

2. Choix de la location

Un loyer de 750€ mensuel (disons un loyer pour un logement standard d’une ville de province) révisé de +0,5% tous les ans. Après paiement du loyer, il reste donc une épargne de 162 000€ (sur 30 ans). Cette épargne est placée à un taux de 3% nominal annuel, soit 0,205% de taux mensuel réel (avec une inflation à 0,5%). On a donc capitalisé 239 000€ de sur la période (avec un gain de 77 000 d’intérêts environ).

3. Choix de l’achat

Un bien acheté 250 000€ sans apport, qui correspond là aussi à un logement standard d’une ville de province. Un emprunt de 250 000 à 2,5% soit environ 1000€ de remboursement par mois. La somme capitalisée tombe à 101 229€. La maison vaut donc 250 000, coûte (emprunt + frais de notaire de 7,8% inclus) 373 790€, et est revendue 336 962€ (revalorisation de 1% par an).

4. Conclusion

La location

A la fin, quand on compare les loyers payés pendant 30 ans et la capitalisation gagnée sur la même période, on a perdu environ 50 000€ (51 188 exactement dans ma simulation).

L’achat

Quand on compare le total de la capitalisation + la revente – le coût total de l’habitation, on a gagné environ 70 000€ (77 976 dans ma simulation). Conclusion : l’achat est beaucoup plus intéressant.

5. Louer ou acheter ? Quatre paramètres déterminants

Pour interpréter correctement cette simulation, il faut tenir compte de quatre paramètres déterminants :

a. Le taux de  revalorisation annuelle de l’immobilier est le paramètre déterminant. Avec un taux de 1% par an, on gagne +100 000€ à acheter, mais avec un taux de 2%, on gagne + 230 000 ! En l’absence de revalorisation, l’achat reste encore plus intéressant que la location mais la différence n’est que de 20 000€ environ. Évidemment, si l’habitation perd de sa valeur, l’achat est moins intéressant que la location !

C’est un point essentiel. Souvent en France on pense que « l’immobilier ne perd jamais de valeur à long terme ». Cette croyance repose sur le fait (réel) que la population augmente alors que l’espace géographique reste le même : l’immobilier ne peut donc que prendre de la valeur.

Ceci est vrai sur un plan très général. Le taux moyen sur ces 15 dernières années pousse plutôt à être optimiste puisque l’indice INSEE du prix de l’immobilier a augmenté de plus de 100% de 2000 à 2010 (moyenne de +8% par an). A Paris, c’est plutôt 15% à 20% par an !! Dans ce cas, la différence d’intérêt entre l’achat et la location est abyssale. Cependant, vous n’achetez pas la France, mais une maison particulière dans une ville particulière. Et vous ne revendez pas « en moyenne » mais dans une période déterminée, à un moment déterminé par de nombreux facteurs (mutation, par exemple) où vous aurez besoin d’argent rapidement. Les grandes villes sont des situations particulières ; dans certaines régions ou quartiers, l’immobilier stagne ou perd de la valeur. J’ai choisi un taux de revalorisation de 1% par an : c’est raisonnable mais si vous revendez dans une région en déshérence économique, à une mauvaise période pour l’immobilier, ou que votre maison a perdu de sa valeur pour des raison particulières (construction d’un bel ensemble industriel/HLM en face de chez vous…), ce raisonnement ne tient plus et l’achat perd évidemment de son intérêt face à la location.

b. Le TEG annuel réel d’emprunt est fondamental ; avec un taux de 3,2% (moins généreux que mon taux initial de 2,5%) et une revente après 14 ans, la location devient aussi intéressante que l’achat (à 1000€ près)…En effet dans ce cas, le coût de l’achat dépasse les 400 000€ (pour un bien de 250 000) et la revente ne rapporte que 287 000€. On s’en doute, sur des biens de plusieurs centaines de milliers d’euros et sur 20 ou 30 ans, un pouième de points de pourcentage fait une grande différence finale. Négociez bien votre emprunt !

c. Plus le nombre d’années est important, plus l’achat est intéressant. Compte tenu de la complexité des paramètres à prendre en compte, difficile de donner un nombre d’années critique à partir duquel la location est plus intéressante que l’achat. Mais on peut noter qu’une revente après six ans et un TEG à 3% aboutissent à un achat aussi intéressant que la location. Cependant, quand le TEG passe sous la barre des 3% (2,9), l’achat est plus intéressant deux fois plus rapidement, dès trois ans. Notons cependant qu’en réalité, des chiffres équivalents donnent la priorité à la location car il faudra repayer après la revente les frais de notaire. Plus on attend, plus la probabilité que l’immobilier prenne de la valeur est grande. Sur un petit nombre d’années, difficile d’anticiper et on peut se retrouver à vendre en pleine crise immobilière, à perte. Je conclurais donc qu’en deçà de cinq ans, l’achat est moins intéressant, sauf taux d’intérêt particulièrement exceptionnel (inférieur ou égal à 2,7%).

d. Deux avantages de la location

Il faut noter que la location a tout de même un avantage : la mobilité. Quand on loue, on peut quitter son logement facilement ; on est mobile. L’inconvénient de l’achat est que la vente peut prendre du temps. Si l’on perd son emploi et que l’on doit quitter sa région, le fait d’être propriétaire peut être un frein/handicap considérable. 50 000€ environ sur 30 ans, c’est le prix de cette mobilité. Parienty en parle dans son article, en évoquant les effets globaux  :

On ne cesse de répéter que les emplois changent, que l’économie moderne est, plus que jamais, marquée par la destruction créatrice des emplois. Afin que les emplois disponibles soient pourvus, il faudrait donc que les individus soient mobiles géographiquement. Il est évident que les locataires le sont plus que les propriétaires. Par exemple, la pénurie d’infirmières à Paris est bien connue, mais il y a des infirmières au chômage à Lille, ville située à deux heures de Paris. Le problème est la cherté du logement à Paris. De manière générale, la montée des prix, entretenue par la politique fiscale, oblige de nombreuses personnes à s’installer loin des emplois.

A la limite, lorsque ferme la dernière usine d’une région en déclin, être propriétaire de son logement est un drame ; car ce logement est probablement invendable (alors que le crédit n’est pas forcément remboursé) et bloque son propriétaire dans une région dans laquelle ses chances de retrouver un emploi sont très faibles.

Une enquête du CREDOC fournit quelques données sur ce phénomène : deux millions de personnes auraient refusé un poste parce qu’il était trop éloigné de leur domicile. Les deux-tiers des personnes interrogées accepteraient de déménager pour un emploi, mais déménager coûte cher : taxes, changements de mobilier et, en phase de hausse des prix, augmentation du loyer pour les locataires.

Terminons en disant que ce qui est vrai pour un couple individuellement ne l’est pas forcément au niveau macroéconomique : si l’achat est souvent plus intéressant, la politique qui veut faire une France de propriétaires a des effets négatifs : l’épargne des ménages est orientée massivement dans la pierre au lieu de l’être dans l’entreprise, ce qui serait plus efficace pour la croissance et pour l’emploi. En effet les investissements immobiliers des ménages se font souvent dans l’ancien : autant le neuf est générateur de croissance et d’emploi, autant l’ancien n’est qu’un changement de mains et de prix (sauf si vous achetez une ruine à retaper entièrement, l’ancien ne génère pas énormément de richesses et d’emplois…) comme l’explique Parienty.

Si vous avez choisi de louer…

  • Profitez des aides sociales dont les locataires ont droit, si vous pouvez y prétendre (APL)
  • En tant que locataire, vous payez moins de loyer qu’un propriétaire ne rembourse à sa banque : astreignez-vous donc à une épargne conséquente (entre 10 et 15% de votre revenu), fixe et régulière et placez là correctement !
  • Vous êtes mobile : saisissez toutes les opportunités de progrès dans votre carrière qui pourraient affecter vos revenus positivement.

Si vous avez choisi d’acheter…

  • Prenez votre temps et ne vous pressez pas à l’achat. D’abord parce qu’il faut négocier pour faire baisser le prix au maximum ; ensuite parce qu’en achetant trop vite,  vous risquez d’engager des travaux imprévus qui feront monter la facture (hors achat en neuf) ;  enfin parce qu’il faut choisir un bien qui sera facile à valoriser à la revente !
  • Négociez solidement votre emprunt et mettez les banques en concurrence ;
  • Soyez bien informé des avantages fiscaux dont vous pouvez bénéficier avant, pendant et après l’achat : aide à la rénovation écologique, PTZ, déduction des intérêts sur votre IRPP…
  • Vous êtes propriétaire, vous pouvez donc faire ce que vous voulez chez vous : c’est un avantage indéniable en termes de bien-être, qui, bien qu’impossible à évaluer précisément, a une vraie valeur économique. Alors profitez-en !

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