L’idée de cet article est de (tenter de) comparer, aussi rigoureusement que possible, les résultats respectifs de Nicolas Sarkozy et de François Hollande en matière économique et sociale, sous forme de matchs à points.
Le principe est simple : il s’agit de comparer date à date les résultats des deux Présidents dans des domaines clés de la vie économique et sociale en France en attribuant à chaque fois un point à celui ayant le meilleur score.
Les données choisies
Ce sont les données suivantes : taux de croissance du PIB réel ; taux d’investissement des entreprises (mesuré par la part des investissements dans le PIB réel) ; taux de chômage (au sens du BIT) ; productivité horaire en euros courants ; niveau des dettes publiques, mesuré en pourcentage du PIB réel. Le taux de croissance se voit attribuer deux points au lieu d’un, étant le plus important de tous les indicateurs, notamment parce qu’il détermine largement les autres.
Ces indicateurs ont l’avantage de faire consensus et d’être faciles à interpréter. A peu près tous les économistes sont favorables au plus haut taux de croissance, de productivité et d’investissement possibles, ainsi qu’au plus faible taux de chômage possible. Ce n’est pas le cas d’autres indicateurs, pourtant plus souvent choisis par les médias, comme le taux d’inflation ou le solde de la balance commerciale, qui sont plus difficiles à interpréter. Le niveau de la dette publique fait sans doute moins consensus mais il est nécessaire de l’inclure pour éviter les biais du type « j’obtiens d’excellents résultats en explosant la dette publique », notamment sur le chômage et l’investissement.
Comparaisons temporelles
Je m’en tiens à des données annuelles plutôt que trimestrielles, dont le problème est la sensibilité et la moindre fiabilité. On a eu l’exemple avec le taux de chômage en 2013 T2 récemment.
Le problème des données annuelles utilisées pour comparer des mandats présidentiels et le décalage de six mois (janvier-juin) entre la date des données, calculées par année civile, et la période de mandat, qui va de juillet à juillet. Mais ce n’est pas si grave puisque après tout, chaque Président ne dispose pas de ses six premiers mois, de façon égalitaire.
Enfin, comment comparer Nicolas Sarkozy, qui a terminé son mandat, à François Hollande, qui n’en est qu’à sa première année ? C’est une difficulté qui limite la portée d’un tel exercice. Pour surmonter cela, j’utiliserai deux modes de comparaison temporelle : premièrement, date à date, après un an de mandat chacun (donc 2008 pour Sarkozy et 2013 pour Hollande) ; deuxièmement, période à période, en calculant l’écart entre la situation trouvée en entrant et celle laissée en sortant, soit entre 2006 et 2011 pour Sarkozy, et entre 2012 et 2013 pour Hollande.
Et la crise, eh patate !?
Un autre problème est que le monde a connu sur la période une crise économique majeure qui a évidemment affecté toutes les variables ci-dessus. On pourrait alors reprocher à la comparaison de ne pas tenir compte de l’intensité de la crise, qui peut être différente en 2012 qu’en 2008. Pour pallier à cette critique, j’ai recherché les indicateurs ci-dessus pour les pays de l’OCDE. Les indicateurs utilisés sont les mêmes que ceux de la France, à l’exception de la productivité (exprimée en taux de croissance plutôt qu’en euros) et du niveau de la dette publique, absent pour des raisons de disponibilité des données.
On a donc, en moyenne pour l’OCDE (source : OCDE stats) :
2007 | 2008 | 2009 | 2010 | 2011 | 2012 | 2013 (1) | |
Croissance du PIB réel (%) | 2,7 | 0,2 | -3,6 | 3,0 | 2,0 (e) | 1,5 (e) | 0,6 |
Taux de chômage (%) | 5,6 | 6,0 | 8,1 | 8,3 | 8,0 | 8,0 | 8,0 |
Taux d’investissement (%) | 22,0 | 21,5 | 19,6 | 19,4 | 19,7 | 19,7 | 19,7 |
Taux de croissance la productivité horaire (%) | 1,7 | 0,0 | -0,3 | 2,2 | 0,9 | 0,4 | – |
(1) : année entière avec estimation ou moyenne du deuxième trimestre. (e) : estimation. NB : Toutes les données ne sont pas nécessairement disponibles pour l’ensemble des pays de l’OCDE. Détail des données : Taux de croissance de la productivité horaire = taux de croissance du PIB par heure travaillée, en dollar courants ; Taux d’investissement = formation brute de capital fixe divisée par le PIB réel aux prix de marché.
Soit en comparant les périodes de mandat de Sarkozy (2007-2011) et de Hollande (2012-2013) :
Sarkozy (2007-2011) | Hollande (2012-2013) | Ecart | |
Croissance du PIB réel | 0,8 | 0,9 | 0,1 |
Taux de chômage | 7,2 | 8,0 | -0,8 |
Taux d’investissement | 20,4 | 19,7 | -0,7 |
Croissance de la productivité horaire | 0,8 | 0,4 (1) | -0,4 |
(1) : 2012 seulement.
Un écart négatif signifie que la situation est pire ; un écart positif signifie qu’elle est meilleure.
On peut conclure que la situation économique des pays de l’OCDE est légèrement moins bonne sous l’ère Hollande que sous l’ère Sarkozy. La croissance est très légèrement meilleure sous Hollande mais le chômage est pire, ainsi que l’investissement et la productivité. L’écart total est donc (en doublant la valeur de l’écart de croissance économique) de 0,1 + 0,1 – 0,8 – 0,7 – 0,4 = – 1,7. On peut à partir de là attribuer un bonus de 1,7 points pour Hollande, car il semble présider un pays dans une situation économique internationale, en 2012-2013, légèrement plus difficile que son rival sur 2007-2011.
Les données françaises
Les données pour la France sont cette fois issues de l’INSEE.
Sarkozy : un an de mandat (%) | Sarkozy : écart 06-11 (points) | Hollande : un an de mandat (%) | Hollande : écart 12-13) (points) | |
Croissance du PIB réel | -0,08 | -0,47 | -0,23 | -0,13 |
Taux de chômage | 7,40 | -0,4 | 10,45 | -0,57 |
Taux d’investissement | 20,2 | -1,1 | 19,0 | -0,4 |
Productivité horaire (€) | 44,44 | -0,09 | 45,57 | -0,18 |
Dette publique | 68,2 | -21,9 | 93,4 | -3,2 |
(1) T1+T2+T3 quand ce dernier est disponible.
Un écart négatif signifie que la situation est pire ; un écart positif signifie qu’elle est meilleure.
Sarkozy versus Hollande : à un an de mandat
Sarkozy fait légèrement mieux qu’Hollande pour la croissance : 2 points à 0. Il fait également mieux, nettement cette fois, pour le chômage : 3 à 0. Mais il fait moins bien pour la productivité horaire, car elle est meilleure en 2013 qu’en 2008 : 3 à 1.
Sarkozy versus Hollande : l’écart entrée-sortie
Sarkozy fait moins bien qu’Hollande sur la croissance : 3 partout, et moins bien également sur l’investissement (3-4) et la dette publique (3-5). Mais il fait mieux sur le chômage (4-5), qui a moins monté sous Sarkozy, et sur la productivité (5-5).
Résultat : match nul. Mais Hollande subissant un contexte international à priori légèrement plus violent, bénéficie d’un bonus de 1,7. D’où une victoire à l’arrachée, 6,7 à 5 pour Hollande.
Match retour : dès disponibilités de données plus récentes, et avec davantage de recul.